Tuesday, December 23, 2008

Un peu d'émotion, cil-vous-plaît

Ça se passe ce matin.

Dans un coin de la cuisine joliment baigné de lumière hivernale, Bébé se traîne à genoux dans le plus pur style Ave Maria. Elle sanglote, mais avec une certaine retenue. Un genre d'intériorité. Certains pourraient même dire, avec un certain don pour le théâtre. Personne ne sait au juste ce qui a provoqué cet élan subit de grosse pei-peine; elle non plus, d'ailleurs.

Fille Aînée -- Maman, Bébé dit qu'elle ne sait pas pourquoi elle pleure.

Mère indigne -- Oh, tu sais, ta soeur doit bien avoir ses raisons. (Elle veut nous emmerder, oui.)

Fille Aînée -- Tu sais, moi aussi, ça m'arrive, parfois. (Silence.) Ça m'arrive, tu sais, d'avoir les yeux pleins d'eau sans savoir pourquoi...

Ooooh, que je me dis. Ça, c'est ma Fille Aînée tout craché. Une belle sensibilité, les émotions à fleur de peau. Cheminant dans la vie toujours à la frontière entre fragilité et vulnérabilité. Un petit être bien attachant. Qui nous change de l'autre comédienne.

Fille Aînée -- Parfois, ce n'est même pas parce que je suis triste. Ça peut m'arriver quand je chante dans la chorale, ou même quand je suis dans la cour de récré... Tu sais, je sens les larmes monter...

Mon Dieu. L'ultra-moderne solitude. "Elle sent venir une larme des profondeur... Des fois, on sait pas bien c'qui s'passe..." Alain Souchon, sors de ce corps.

Mère indigne -- Oui, je sais. Parfois, on devient ému, et c'est difficile de savoir tout de suite pourquoi on est ému, de déterminer exactement quelle émotion nous ressentons... Est-on triste ou heureux? Nos larmes arrivent avant que nous p--

Fille Aînée -- Euh, non, pas vraiment. En général, c'est parce que j'ai un cil dans l'oeil.

Mère indigne -- ...

Fille Aînée -- Pis quand je l'enlève, y'a aussi une larme qui coule.

Mère indigne -- Tu m'excuseras, chérie, faut que Maman aille écrire un petit mot à Alain Souchon. Ça risque de péter sa baloune, mais il faut que vérité se sache.

***

Sur cette belle anecdote, je vous souhaite de très belles Fêtes, remplies d'émotions et surtout pas de cils dans l'oeil! J'ai passé une superbe année en votre compagnie. Merci d'être là! On se revoit en 2009... avec plein de surprises! :-)

Saturday, December 13, 2008

Quotidien ingrat

Bébé -- Mamaaan, pourquoi Mickey Luke il est triste?

Mère indigne -- Parce qu'il est tout seul pour rentrer chez lui.

Bébé -- Mais, mais, mais, pourquoi il est tout seuuul?

Mère indigne -- Euh. Parce qu'il n'a pas beaucoup de frères comme les Dalton.

Bébé -- Moi, moi, moi, il est où mon frère Diegoooo?

Mère indigne --Dans la télé, avec sa vraie maman qui le laisse frôler la mort dans l'allégresse.

Bébé -- Mais, mais, mais, pourquoi les Dalton y z'ont beaucoup de frèèèères?

Mère indigne -- Parce que leur maman était très motivée.

Bébé -- Mais, mais, mais, pourquoi leur maman...? pourquoi...? Pourquoiiiii?

Mère indigne -- Euh... Leur maman, c'est Ma Dalton, tu sais, la vieille dame qui--

Bébé -- JE SAIS, MAMAN, JE SAIS!!! Ça suffit, sinon tu vas aller dans ta chambre. C'est MOI qui PARLE! Arrête.

Mère indigne -- ...

Bébé -- Arrête, j'a dit.

C'était l'heure de l'apéro. J'ai été le prendre dans ma chambre sans même y être obligée.

Non mais.

Saturday, December 06, 2008

Ville (Lumières)

Père indigne et moi, nous sommes présentement en voyage mi-affaires mi-plaisir dans une petite ville reculée mais qui possède néanmoins un certain charme rustique. Attendez, je vérifie le nom; ah, voilà. Paris. Vous connaissez peut-être, c'est dans la lointaine banlieue de Laval.

Pour ce faire, nous avons dû nous résoudre à confier nos deux filles aux soins de Soeur indigne et de Beauf' adoré. Vous vous imaginez? Pour quelques jours, Soeur indigne et à Beauf' adoré auront quatre enfants! 4! Père indigne et moi, on s'imagine la situation, et on en a des crampes d'angoisse. Mais non, voyons, qu'est-ce que je dis là, moi. Pas d'angoisse, de rire.

(En passant, j'ai été frappée par le calme qui règne dans les aéroports de nos jours. On se balade, on mange, on prend un pot au bar, sans aucun stress! Ah oui, c'est vrai, je n'avais pas les enfants.)

Enfin bref, j'ai reçu tout à l'heure ce courriel de Soeur indigne que j'ai cru bon de partager avec vous:

***

Nous sommes sortis après souper avec les Fantastic 4 voir les lumières de Noël sur la rue du Côteau.

Question: "Les filles, quelle est votre couleur de lumière préférée?"

Réponses:

Nièce adorée -- Bleu.
Petite nièce atomique -- Vert.
Fille Aînée -- Rouge.
Bébé (avec beaucoup d'enthousiasme) -- BRUN!

Ceci dit, on s'amuse follement. Les filles sont d'humeur festive.

Signé: Soeur indigne prête pour un apéro

***

(Quand Soeur indigne dit que les filles sont d'humeur festive, j'imagine, non, je sais que ça doit y aller très fort sur le bricolages des Fêtes dans sa chaumière. Mais Soeur indigne, elle aime ça, le bricolage. Elle a même, chez elle, autre chose pour en faire que du papier construction et un gros sac de boules d'ouate. J'avais acheté ces boules la fois où Fille Aînée a fait une otite il y a cinq ans. Un sac énorme, tellement je croyais qu'elle allait y rester si je ne lui bourrais pas les oreilles avec. J'en ai finalement utilisé trois ou quatre, au plus, mais côté bricolage, ce fut un bon investissement. Pour faire la barbe et les roustons du Père Noël, c'est d'un chic!)

Bref.

Des lumières brunes.

Je vois déjà Bébé plus tard. "Je pense que je vois la lumière au bout du tunnel. C'est beau, c'est tout brun, ça me rappelle Noël."

Dans le jargon technique, je pense qu'on appelle ça une phrase anale.

Tuesday, December 02, 2008

Et vlan dans les dents

Maudit Halloween.

Pour un parent qui a une peur maladive des dentistes (une phobie qui s’explique par un dur retour à la réalité lors du premier rendez-vous de Fille Aînée), c’est le pire des scénarios : en moins d’une heure, on ramasse assez de cochonneries pour se faire demander des bonbons pendant un siècle.

Bébé – Maman, maman! Écoute. Tu vas me donner ma citrouille.

La citrouille, vous l’aurez deviné, est le repaire de toutes les saloperies. Père indigne, l’autre jour, a suggéré que nous remplacions, au cœur de la nuit, les friandises dans la citrouille par des fruits et des barres de céréales. Mais juste avant d’accomplir notre méfait, on s’est repassé des films de Bébé en crise et on a changé d’avis.

Moi, qui aime tout de même vivre dangereusement – Non chérie. Tu sais bien, les bonbons, c’est seulement pendant la fin de semaine. Et là, on n’est pas la fin de semaine. On est maaarrrdi. Tiens, on pourrait nommer ensemble les jours de la sem-

Bébé, sortant sa vieille rhétorique poussiéreuse – J’a besoin? J’a le droit?

Moi – On n’a pas le droit d’avoir des bonbons, chérie. Et aujourd’hui, tu n-

Bébé, calmant sa mère hystérique à coup de petites tapes sur la cuisse – Attends, attends, attends. Une seconde. Une seconde.

Puis, prenant un air pénétré (à moins que ce ne soit ‘pénétrant’? On pourrait en parler longtemps): «Je vais te dire un mot magique.»

Bébé investit le pavillon de mon oreille et elle chuchote, en ouvrant grand les yeux: «S’illll-teeee-plaîîîîîîîîîîît…»

Moi, amusée – Aaaaah. C’est ça le mot magique?

Et je pense que, « non mais… Elle est trop mignonne, cette enfant, c’est pas possible... Je crois que je vais céder. » Père indigne, qui assiste au spectacle, lève les yeux au ciel. Il sait que je vais céder.

Bébé – Ouiiii! C’est magiiiique! Là-tu-me-donnes-ma-citrouille.

Moi, cédant – Tiens, ta citrouille. T’es trop charmante, toi. Mais tu prends juste un bonbon, et c’est le dernier.

Bébé – Oui. Juste un. Pas deux! Est-ce que Bébé prend deux bonbons? Nooooon.

Moi – Trop mignonne.

Quelques minutes plus tard. À peine.

Bébé – Maman, maman! Écoute. Tu vas me donner ma citrouille.

Moi – Ah, mais là, non! Non, ma chérie. Déjà que Maman a fait une exception tout à l’heure. Les bonbons, c’est pour la fin de semaine, tu sais ça. Sinon, tu vas avoir bobo à tes dents, puis à ton petit bed-

Bébé, faisant de grands gestes apaisants en direction de sa folle de mère – Attends, attends, attends. Une seconde. Je vais te dire un mot magique.

Moi – Non, non, non. La magie n’opérera pas cette fois-ci. Tu as déjà eu ton b-

Bébé, les yeux écarquillés, l’air de David Copperfield qui va faire apparaître un diamant du cul d’une vache – Pipiiiii-cacaaaaaaaaaa.

Moi – Pipi-caca?

Bébé, parfaitement ravie – Oui. Pipiiiii-cacaaaaaaaaaa.

Moi, parfaitement déstabilisée – Ton mot magique, c’est pipi-caca.

Bébé, d’un ton assuré et avec un sourire radieux – Oui! Et là, là, là… Tu-me-donnes-ma-citrouille.

Comme, genre, style, tu-suite.

D’une main tremblante, je ramasse ma mâchoire qui est descendue au niveau de mes genoux. Mes paumes deviennent chaudes et humides, comme on dit dans les revues inappropriées. Mon cœur se met à battre une pauvre chamade qui deviendra toute pleine de bleus, à force.

Rien ne sert de me cacher la tête dans la sloche : ce qui me regarde du haut de ses trois pommes, c’est la subversion incarnée. Et si je la laisse faire, jusqu’où tout cela va-t-il nous mener?

Au lieu de dire bonjour, elle va prendre un air angélique pour nous servir un «va crever dans la ruelle, chacal»? À la place de «merci», on aura droit à un allègre «tu pues de la raie»? Bébé, future Madame Je-signale-à-gauche-et-je-tourne-à-droite? Fondatrice de l’Église réformée de la Sainte-Trinité du Pipi-Caca-Poil?

Avec tout ça, chers lecteurs, je suis profondément ébranlée.

Moi qui croyais être indigne! Bouche bée devant Bébé, je comprends ma vraie nature. Je suis une soft subversive. Une fausse irrévérencieuse. Une prétendue cynique. Bref, une guimauve. Et même pas les vertes ou les roses, là; les blanches. À peine trois ans, et Bébé a déjà dépassé gaillardement les limites de tout ce que sa mère a même jamais osé imaginer.

J’ai trouvé mon maître.

Devant ce constat douloureux, brisée par la honte, cassée par la défaite, j’aurais toutes les raisons de m’écraser et de hurler ma douleur de l’ordinaire en me roulant partout sur le plancher flottant de mon split-level lavallois. Rhââââââ-hâââ…

Mais non. Je ne le ferai pas.

Bon, d’une part, c’est vrai, le plancher est un peu sale. Mais surtout, ce qui est merveilleux dans cette histoire, c’est que c’est tout de même moi, la maman, les copains! Et même pleine d’une admiration malsaine devant sa progéniture diabolique, qu’est-ce qu’elle dit, la maman?

Moi – Ouais, hé ben, t’auras rien avec des pipis-cacas, chérie. Maintenant, tu vas retourner regarder Dora et apprendre à dire «merci» en 18 langues.

Non, mais c’est vrai, quoi. La rébellion, je veux bien, mais encore faut-il savoir contre quoi on se révolte. Ça lui fera les dents mieux que ses bonbons pourris.

Suite de quoi, la conscience tranquille, j’ai piqué une grosse poignée de caramels dans sa citrouille et je suis retournée à mon roman policier.

Il me semblait que, dans les circonstances, c’est ce que j’avais de mieux à faire.

Monday, December 01, 2008

Bébé outsider

Elle me demande de lui faire une cabane du feu de Dieu. Je m'exécute.

Et voilà où elle va se nicher...


Combien on parie qu'elle voulait la cabane juste pour pouvoir rester à l'extérieur?

Saturday, November 29, 2008

Belle occasion pour les Fêtes

Pendant que nous sommes dans les concours, je vous file ce lien en vitesse: Concours Etsy Team-Québec. J'adore le site Etsy, et à l'approche des Fêtes (et des cadeaux à offrir...), ce concours me semble particulièrement chouette. Dépêchez-vous cependant, j'ai découvert le concours aujourd'hui, mais il ne reste que jusqu'à ce soir pour participer.

Je vous reviens la semaine prochaine avec de vraies indignités! ;-)

Friday, November 28, 2008

Super Concours International Lisez-Votez-Etc.: Précision

J'ai déjà reçu plusieurs courriels de personnes qui ont été voter chez Archambault et qui veulent participer au concours. Merci! (Il y en a déjà plus de quatre, alors faudra piger... ;-))

Je voulais vous préciser que je ne répondrai pas à vos courriels d'inscription au concours, mais ne soyez pas inquiets, tous vos noms sont pris en note.

Bon week-end!

MÀJ: D'autres photos de la soirée ICI. Merci Charles-Henri!

Thursday, November 27, 2008

C'est ben pour dire

Qui l’eût cru? Changer des couches sales 15 fois par jour n’encourage pas seulement l’indignité, cela encourage les autres à nous confier des responsabilités.

Vous vous souvenez, plus tôt cette année (et grâce à vous, d’ailleurs), les Chroniques d’une mère indigne ont remporté le Grand Prix Littéraire Archambault lors d’une cérémonie émouvante où les contours de mes bobettes de maternité ont été immortalisés à jamais sur pixels -- tiens, étrange, je n'arrive plus à retrouver la photo...

Il faut croire que mon discours d’acceptation du Prix (à moins que ce ne soient les bobettes) a séduit les gens chez Archambault, puisqu’il y a quelques mois, ils m’ont demandé si j’accepterais de devenir porte-parole de ses deux Grands Prix Littéraires. J’aime lire, j’aime écrire, et, je l'avoue, j’aime faire des discours, alors j’ai dit « oui, je le veux ». (En plus, je suis une blogueuse que si elle n'avait pas été blogueuse elle n'aurait peut-être pas été auteure. Alors j’avoue qu’en tant que membre de la blogosphère, ça m’a fait un petit velours qu’Archambault m’offre cette opportunité.)

Bref, ils m’ont fait signer un contrat avec plein de petits caractères disant entre autres que je devrais les représenter « dignement » (gnac gnac, c’est ce qu’on verra), puis hier soir, ils m’ont mis devant les micros et les flashes et… j’ai pu faire un discours! Yes! ;-)

Avec toutes ces histoires de Prix, j’ai moi-même pensé organiser un petit concours de mon cru (c’est-à-dire un concours facile, j’haïs ça les concours difficiles). Alors voici: Archambault m’a donné tous les livres en nomination pour les deux concours (listes ici) et j’ai pensé que ce serait bien de les offrir à deux lecteurs de ce blogue ou d'ailleurs -- tout le monde est le bienvenu--, à condition qu'ils aient été voter pour leur ouvrage favori. Lorsque j’ai parlé de cette idée à Catherine Payant chez Archambault, non seulement elle était d’accord, mais elle m’a même proposé un autre « set » des livres en nomination! Alors j’ai non pas deux, mais 4 lots à faire tirer, 2 lots "Grand Prix Littéraire" et 2 lots "Grand Prix de la Relève Littéraire". (Les miens vont probablement avoir des pages un peu pliées dans les coins... Me suis jamais habituée aux signets.)

Alors, la procédure est la suivante:
  • Lire au moins un livre en nomination, tout de même, et en plus vous allez aimer ça, j'en suis sûre
  • Aller voter sur le site d'Archambault (NOTE: tant qu'à y être, ce concours est international! Je vous laisse vous débrouiller pour commander un livre en nomination à votre libraire ou via un site Web, et même si je dois expédier les livres aux îles Moukmouk, je vais le faire, bon)
  • M'envoyer un courriel à mereindigne@hotmail.com pour me dire que vous avez voté (pas pour qui, même si je suis curieuse) -- NOTE: je ne répondrai pas à vos courriels d'inscription au concours, mais ne soyez pas inquiets, tous vos noms seront pris en note
  • Et moi je pige 4 noms le 23 avril et on se fera peut-être même une petite boustifaille, tant qu'à y être! Je peux même vous dédicacer TOUS LES LIVRES, tiens, même si je n'en suis pas l'auteure! C'est pas généreux, ça?
  • Je sais que vous pouvez tricher, genre aller voter sans lire de livre ou même envoyer un courriel sans avoir voté, mais je fais le pari de votre honneur, aussi indignes soyez-vous!

Bon, bien, voilà! Porte-parole! Et je vous dit merci, parce que ça ne me serait pas arrivé sans vous. :-)

P.S. Je mettrai un lien vers ce billet dans la colonne de droite au cours des prochains jours, pour que vous puissiez le retrouver sans difficulté quand vous aurez voté.

MAJ.: Oups, le concours ne peut techniquement pas être international, puisque le site de vote ne permet pas d'inscrire une adresse à l'étranger. Mais si vous habitez ailleurs, que vous avez travaillé comme un fou/une folle pour vous procurer un livre inscrit, et que vous l'avez lu, envoyez moi un courriel tout de même. On va dire que vous aurez fait assez d'efforts.

***

Peut-être avez-vous remarqué sur la photo, mais je portais hier soir un joli collier rouge funky spécialement acheté pour l'occasion. Je l'ai enlevé en rentrant et laissé sur la table de la cuisine. Or, ce matin...

Fille Aînée, en se levant -- Oh! Maman!! Il est tellement beau ton collier!

Bébé -- C'est-pas-à-Maman-le-collier-c'est-à-MOI.

Bébé a été vite sur ce coup-là, mais allez savoir pourquoi, j'avais tout de même totalement anticipé sa réaction.

Monday, November 24, 2008

Mère indigne se fait teindre en blonde

Moi, j'y allais juste pour voir le tournage. Mais elle m'a assise à la table, mis la caméra dans' face, et forcée à faire de l'impro comme en secondaire 5.

Je ne sais pas ce que ça donne, je suis trop gênée de me regarder moi-même, mais les gars au bureau ont dit que c'était OK.

Voici donc Mère indigne qui passe en coup de vent Chez Jules, déguisée en spécialiste en éthique. J'espère qu'au département de philo, ils me pardonneront...

P.S. Il y a un concours Club Med chez Jules ces temps-ci, avec plein de prix. C'est un tirage. Mais rassurez-vous, vous n'êtes absolument pas obligés de participer, je peux le faire à votre place... ;-)

Saturday, November 22, 2008

Indigne en 140 caractères ou moins

Il n'y a pas longtemps, je me suis rendue compte qu'elle twittait; et ce matin, j'ai remarqué qu'elle twittait aussi! Croyant avoir moi aussi tout ce qu'il faut pour faire partie de la catégorie des mères twits, je vous ai collé un machin Twitter dans la colonne de droite. Comme ça, entre deux chroniques, on se fera des petits clins d'oeil...

Thursday, November 20, 2008

Suis-moi, je te fuis...

Madame Marie -- En tout cas, avec les autres amis de la garderie, Bébé est populaire. Très populaire.

Mère indigne, intriguée -- Ah oui??

Madame Marie -- Oh, oui! Tous les amis veulent jouer avec elle.

Mère indigne, songeant avec dépit à ses anciennes années involontaires de nerd asociale -- Tous?

Madame Marie -- Tous! Il y en a toujours pour dire "Je ne veux pas jouer avec Thomas", ou bien "Je veux qu'Alexa me laisse tranquille", mais ils veulent tous jouer avec Bébé.

Mère indigne, de plus en plus éblouie -- Elle est si gentille que ça, à la garderie??

Madame Marie -- Euh... en fait, ils veulent tous jouer avec elle parce que... elle s'en fiche.

Mère indigne -- Oh. Elle...

Madame Marie -- ... n'en a rien à cirer. Alors ils ne la lâchent pas. D'ailleurs, elle a toujours l'air un peu ébahi de voir tout le monde rassemblé autour d'elle quand elle relève la tête.

Tudieu. J'espère que Poisson Méchant ne sera pas trop jaloux.

Wednesday, November 19, 2008

Salon du livre de Montréal

Chouette!

Je serai au Salon du livre de Montréal samedi prochain, ainsi que dimanche (22 et 23 novembre). Je sais, je sais, les Chroniques ont déjà un an et demi et le tome II ne sort qu’en mars, mais Éditeur Indigne a insisté pour que j’y sois, et je dois lui obéir, c’est sti-pu-lé dans le contrat que j'ai signé avec du régurgit de Bébé dans le temps, voyez comme c'est coulé dans le roc.

Et puis, Éditeur indigne m’a dit qu’il y aurait des surprises. Dans le sens de cossins, gugusses, patentes et autres machins que vous pourrez un jour revendre à prix d’or sur eBay (si jamais vous les faites plaquer or). Tu confirmes, Éditeur? (S’il ne répond pas, on va savoir qu’il ne me lit pas et on va bien rigoler.) (Oh! Il a confirmé! Il a mis une photo de cossin sur son Facebook! Je l'ai copiée et mise ici à gauche!)

Cerise sur le gâteau : ce sera aussi une mission en duo puisque Pierre-Léon sera au Salon en même temps que moi. Bref, juste là, à mes côtés... Je ne sais pas s’il accomplira sa mission en commando, mais je vous en donnerai des nouvelles, c’est juré.

Horaire :

Samedi 22 : Entre 16h et 17h (au stand Dimédia)
Dimanche 23 : Entre 13h et 14h (au stand Dimédia)

Au plaisir!

Saturday, November 15, 2008

Ne pelure pas, Jeannette

Fille Aînée -- Maman, est-ce que je peux manger une orange?

Mère indigne -- Excellente idée. Elles sont tellement bonnes en plus ces temps-ci! J'en sors deux.

Fille Aînée -- Je veux la meilleure des deux.

Mère indigne -- Euh. Je n'ai aucune manière de les différencier sans y goûter...

Fille Aînée -- Je veux la plus belle, alors.

Mère indigne, légèrement agacée -- Sont pareilles.

Fille Aînée, légèrement agacée -- Ben là. La plus juteuse?

Mère indigne, très agacée -- "Ben là" toi même, chérie! Comment veux-tu que je sache d'avance quelle orange est la plus juteuse?

Fille Aînée, en soupirant -- Bon. Donne-moi la plus grosse, d'abord. (Puis, d'un ton légèrement condescendant:) Tu dois bien réussir à voir laquelle est la plus grosse?

Mère indigne -- Hum. En effet. Ça, je peux.

Oui, Mère indigne voyait très bien la différence entre les deux oranges. Et sans que Fille Aînée s'en aperçoive, Mère indigne lui a filé la plus petite.

La vengeance est un fruit qui se mange froid...

Saturday, November 01, 2008

Rhétorique d'enfer

Ah, l'Halloween! Une bien belle fête, qui amène en nos demeures quantités industrielles de bonbons au goût horriblement chimique, mais aussi la traditionnelle discussion avec Fille Aînée.

Mère indigne -- Tu ne sors pas sans ton manteau. Tu vas attraper un rhume.

(Et maman va devoir rester à la maison pour te soigner au lieu d'aller prendre son pied professionnel au bureau. Pas question.)

Fille Aînée -- Mais il ne fait pas si froid que ça!

(Dehors, traditionnellement, il pleut/neige/grêle/vente à écorner les démons.)

Mère indigne -- Tu ne sors pas sans ton manteau. Le rhume.

Fille Aînée -- Mais si je mets mon manteau, on verra pas mon déguisement!

Mère indigne -- Tu ne sors pas sans ton manteau. Déjà que tu ne te sentais pas bien à l'école aujourd'hui. Mais on peut explorer des solutions.

Alors là, je vous donne ze truc: la solution consiste à mettre le déguisement par-dessus le manteau. Je sais, c'est incroyable comme nous sommes créatifs dans cette famille.

Le problème cette année, c'est que le déguisement de Fille Aînée (une jolie sorcière) est assez ajusté à son corps et, lorsque mis par-dessus son manteau beige pâle, il donne à Fille Aînée l'air de David Banner qui se retrouverait transformé en incroyable Hulk alors qu'il s'apprêtait à s'envoyer en l'air lors d'une soirée de travestis.

Fille Aînée -- Ça fait un peu bizarre.

Mère indigne -- Si tu veux, je te maquille la figure en vert?

Fille Aînée -- Hein?

Mère indigne -- De toute manière, ça ne sert à rien d'insister. Tu ne sors pas sans ton manteau.

Le deuxième problème, cette année, c'est que pour une fois, le temps est incroyablement doux. Des tonnes de jeunes filles court vêtues ont réussi, on ne sait trop comment, à cacher à leurs parents l'étiquette "déguisement sexy pour party de bureau" lors de l'achat de leur costume. Les rues de Laval, P.Q. sont envahies d'infirmières désirant prendre votre température ailleurs que dans la bouche et de femmes de chambre voulant dépoussiérer ailleurs qu'en dessous du lit.

Fille Aînée, qui a des yeux pour voir -- Et c'est moi vais attraper un rhume! Les filles sont toutes en MINI-JUPES!

Mère indigne -- Quand tu seras ado, tu auras le droit d'attraper un rhume.

Et toc! D'ici 4-5 ans, je trouverai bien un argument contre les déguisements sexy.

Friday, October 31, 2008

Encore une devinette! Qu'est-ce qu'on s'amuse!

Ce matin, Bébé avait le choix: se déguiser en princesse rose, en tigre ou en diable.

Alors, d'après vous? Qu'est-ce que Bébé a choisi?

...

...

...

...

...

...

...

...

...

...

...

Hé oui! Le déguisement de princesse! Remarquez, ça ne l'empêche pas de faire une drôle de tête, du genre Mom Boucher surpris dans un vêtement inapproprié à son métier et à son rang.


(Cette dernière image pour vous prouver que parfois, elle rit. Et aussi qu'il est possible d'avoir deux pots de Nutella qui traînent sur le comptoir.)

P.S. Pour ceux que ça intéresse: les inédits commencent à s'accumuler pour le tome II... Ah, vous allez avoir de belles surprises au printemps prochain...

Thursday, October 23, 2008

Youppi! On joue aux devinettes!

À la garderie, Bébé a fabriqué un beau bricolage. Devinez parmi les oeuvres affichées quelle est la citrouille de Bébé. La première? La deuxième? LA TROISIÈME? Ou la quatrième?

Je me sens vache aujourd'hui: je ne vous laisse qu'une seule chance.

Saturday, October 18, 2008

Question rapide

Est-ce qu'il y a d'autres parents chez qui la musique de Noël retentit déjà? À cause de vos enfants qui sont tellement intelligents et surtout précoces? Ou bien si je suis la première?

C'est juste pour vous dire que si, chez vous comme chez nous, Vive le vent est déjà à l'ordre du jour, vous avez le droit de prendre l'apéro à 4h au lieu de 5h.

On va survivre, goutte que goutte.

P.S. Remarquez, ça fait depuis le mois de mai que j'entends parler de l'Halloween. J'ai peut-être eu de la chance que la magie de Noël n'ait pas fait son apparition en juillet.

Thursday, October 09, 2008

Comités, blagues belges et conférence

Nouvelles rapides en vrac (inédits pour le tome II obligent):

1. Pour ceux que ça intéresse, le comité de Fille Aînée va très bien. Ils se sont divisés les tâches en trois parties: certains sont responsables du volet visuel, d'autres s'occupent de transformer le rock en jazz, et ceux qui restent creusent la question du Vietnam. (Je cite.)

2. Père indigne aussi va très bien. Il invente des blagues à tous les jours, et ce, malgré l'imminence de la crise économique. Voici un exemple de blague géographique: Certains érudits méditerranéens sont aussi appelés des savants de Marseille. (Je ne l'ai pas comprise tout de suite, mais ma copine qui est propre me l'a expliquée.)

Père indigne fait aussi dans l'humour politique -- toujours des blagues belges, certes, mais qui témoignent de sa grande intégration à notre beau pays--, comme: Que répond Marc Garneau à sa femme lorsqu'elle lui demande ce qu'il a fait de bon pendant la journée? "Rien de spatial."

C'est ça, la force belge.

3. Aussi, j'ai un conseil à vous demander: je vais donner une conférence au sujet de mon livre le 21 octobre à la bibliothèque de Sainte-Julie. C'est la première fois que je vais donner ce genre de présentation, et j'avoue que j'ai de la difficulté à déterminer ce qui intéresserait les gens dans un événement du genre. Je pense que je vais écrire une chronique spécialement pour l'occasion, mais à part ça? Des suggestions? Et si vous habitez dans le coin, venez faire un tour!

Monday, September 29, 2008

Rapports préliminaires

Copine de longue date -- Dis donc, ça fait combien de temps que tu es mariée, déjà?

Mère indigne -- Dix ans depuis une semaine. Dans la joie et l'allégresse.

Copine -- Bon. J'imagine que tu vas pouvoir répondre à une question délicate.

Mère indigne -- Tu sais que je suis la délicatesse incarnée. Envoye, shoote!

Copine -- OK, je me lance... (Copine prend une grande respiration.) Es-tu pour ou contre ça, toi, les préliminaires?

Mère indigne -- Les rapports préliminaires? Moi, j'haïs ça. Je me dis que tant qu'à écrire un rapport, aussi bien faire le rapport final tout de suite.

Copine -- T'es nulle. Je parle des rapports sexuels préliminaires.

Mère indigne -- Aaaaaah. Ben là, tu rentres pas mal dans mon jardin secret.

Copine -- Comme si ça t'avait déjà dérangé.

Mère indigne -- D'accooooord, on peut en parler, mais c'est bien parce que c'est toi. Les préliminaires... Pouf, pouf. Bon. Ces temps-ci, par exemple, y'a Bébé qui...

Copine -- Change pas de sujet!

Mère indigne -- Non, non! Je veux dire que Bébé, à la garderie, elle a vu un spectacle de Dan Cowboy, et ensuite elle a passé deux semaines à appeler Père indigne "Dan Cowboy". Puis elle a suivi des ateliers de prévention des incendies avec le pompier François. Maintenant, quand elle revient à la maison, elle appelle Père indigne "Pompier François". À force de l'entendre, j'ai décidé d'essayer ça moi aussi. On s'est bien amusés. J'ai écrit à Sacha Distel pour lui dire qu'on avait retrouvé les tuyaux. Dans l'écurie.

Copine -- Sacha Distel est mort. Et les pompiers pis les cowboys, c'est des jeux de rôle, pas des préliminaires.

Mère indigne -- Pffff. Franchement, si le résultat est le même, je ne vois pas pourquoi on s'enfargerait dans les fleurs du drap-contour.

Copine -- En tout cas, moi, après sept ans et deux enfants, les préliminaires, ça me branche moins. Tu sais, au début, quand j'étais dans une humeur séductrice et que Copain me disait "Trouve des arguments pour me convaincre", j'étais en forme. Je pouvais aller mettre des sous-vêtements sexy...

Mère indigne -- ... Faire un strip-tease...

Copine -- ...Sortir la crème fouettée...

Mère indigne -- ...Le fouet...

Copine -- C'est un jeu de rôle, ça, Seigneur. Essaye de te concentrer un peu.

Mère indigne -- Le fouet est un jeu de rôle, le fouet est un jeu de rôle, le f--

Copine -- Ça va, ça va... En tout cas, tout ce que je veux dire, c'est que maintenant, avec toute la routine des enfants avant le dodo, les tâches ménagères, les sandwichs du lendemain à préparer... ben, les préliminaires, ça fait un peu perte de temps.

Mère indigne -- Tu es plus du genre "Prends-moi comme une bête, que j'aille préparer les lunchs ensuite".

Copine -- Ouain. En fait, l'autre soir, je pense que j'ai atteint les bas-fonds de la séduction. S'il y avait une police du sexe, j'aurais eu un ticket et au moins trois points de démérite.

Mère indigne -- Mon Dieu. Qu'est-ce que tu as fait?

Copine -- Ben, j'étais dans une sorte d'humeur séductrice, alors Copain m'a dit "As-tu des arguments pour me convaincre?"...

Mère indigne, haletante -- Et...

Copine -- Et je venais de prendre ma douche. Alors j'ai dit: "Je suis propre."

Mère indigne -- ...

Copine -- ...

Mère indigne -- Ton argument de séduction, c'était que tu venais de te laver?

Copine -- ...C'est pathétique, hein?

Mère indigne -- Ça va être quoi, ton argument, dans quatre-cinq ans? "Je suis LÀ"?

Copine -- Tu ris, mais ça a fonctionné quand même.

Mère indigne -- Tu devrais faire de la politique. "Des parties propres au Québec."

Copine -- Bon. Ça y est. Je pense que je vais nous réserver une fin de semaine dans une auberge, sans enfants. Pour renouer avec les préliminaires et m'éviter tes blagues à l'avenir.

Mère indigne -- Ça, c'est des promesses électorales comme on les aime.

Wednesday, September 24, 2008

Bébé: la quintessence

Allez, une fois n'est pas coutune: une photo. Semble-t-il que parfois, ça vaut mille mots, alors...

Oui, oui. C'est vraiment eux, là. Fille Aînée, Père indigne et... Bébé.

Bébé, complètement dégoûtée.

Le hic, c'est qu'on n'a jamais su par quoi exactement. Probablement le spleen de cette vie terne et sans goût dans laquelle elle erre comme une éternelle étrangère.

Je sais pas pour vous, mais moi, ça me donne le fou rire chaque fois.




Sunday, September 14, 2008

De mal en pis pour Fille Aînée

Je sais, je sais.

Ce n'est pas qu'elle manque d'imagination.

C'est la faute aux devoirs stupides, à Sébastian, à la société. En fait, Fille Aînée est un modèle d'adaptation à des conditions de vie hostiles. C'est pas compliqué, s'il avait pu, Charles Darwin l'aurait mise en couverture de son bouquin, là, celui qui dit que l'homme descend du singe et que le gin tonic descend de l'eau pure des rivières nordiques.

Mais, parfois, je me demande tout de même s'il n'y a pas des limites à l'adaptation.

Mère indigne, arrivant toute pimpante à l'école, très tôt pour passer du temps de qualité avec ses enfants -- Salut Chérie! C'est moi! Je viens te chercher tôt aujourd'hui, n'est-ce pas merveilleux?

Fille Aînée, la panique dans le regard -- Tu... euh... tu pourrais pas aller chercher Bébé et revenir me prendre après?

Mère indigne -- Mais Bébé est avec moi, tiens, regarde, elle est en train de foutre le bordel dans les registres du service de garde.

Bébé, tentant de subtiliser des cartables pleins d'infos confidentielles -- Moi z'a le DROIT!

Fille Aînée, la lèvre tremblotante -- C'est parce que... mes amis viennent juste de sortir dehors... et j'ai pas eu le temps de...

Mère indigne, légèrement agacée -- Écoute, mon amour, Maman est venue te chercher très tôt pour qu'on puisse passer du temps de qualité ensemble. Alors ramasse tes affaires et en route. Avant que l'école refuse le droit d'entrée à ta soeur.

Bébé, tentant de subtiliser la jupe de Madame Karine, responsable de l'accueil -- Moi z'a BEZOIN!

C'est alors que Fille Aînée fond en larmes. Et pas seulement des larmes, la pauvre. Les gros sanglots qui viennent avec. Le désespoir, la tragédie. Le gros bobo intérieur.

Dans ma tête se met en branle le cirque millénaire des inquiétudes maternelles. "Ça y est. Elle a un amoureux. Elle qui n'a presque pas parlé des garçons l'an dernier, ça recommence. Il l'attend dans la cour de récré, là, là. Petit imbécile pré-pubère. Qu'est-ce qu'il a que je n'ai pas?"

Mère indigne -- Mais mon pauvre petit amour! Qu'est-ce qui se passe? Ne pleure pas comme ça, mon coeur, voyons!

Fille Aînée -- Bou-hou-HOUUUUUU!

Mère indigne -- Tu avais une activité, euh... spéciale... de prévue dans la cour de récré?

Fille Aînée -- Bou-hou-houuuuiiiiiii!

Je le savais. Dieu seul sait où ils en sont rendus avec la tag-bisou cette année.

Mère indigne -- Mais qu'est-ce qui est si important, ma belle fleur?

Fille Aînée -- Je voulais... je voulais... CRÉER UN COMITÉÉÉ! Bou-hou-houuuu!

Mère indigne -- Un comité.

Fille Aînée -- Snifffoui. Avec Julie-Aude.

Mère indigne -- Un comité de quoi?

Fille Aînée -- (Renifle.) On sait pas encore.

Mère indigne -- Bon. Je te laisse deux minutes. Tu vas dans la cour de récré dire à Julie-Aude que tu lui délègues la création officielle du comité ainsi que la distribution des tâches et le mandat de te faire élire présidente. Demain matin, dans le rang, elle te débriefe, et pour être sûre que tout est sous contrôle, tu demandes un rapport écrit de la réunion de la veille à faire circuler aux membres du comité pour approbation. Ensuite, tu continues de demander des rapports écrits aux deux semaines -- je vais t'acheter un tampon "Lu et approuvé". Et essayez de vous trouver un but précis en tant que comité, mais ce n'est pas absolument nécessaire.

Fille Aînée, se dirigeant vers ses copains en courant -- OK!

Tant qu'à s'adapter, aussi bien connaître tous les trucs.

Monday, September 08, 2008

Devoir de réserve

Fille Aînée -- Maman, qu'est-ce qu'ils veulent que je fasse pour ce devoir-là? Ils disent: "Voici l'histoire de Sébastian. Elle est incomplète. Ajoute au moins deux détails supplémentaires." J'comprends pas.

Moi -- Mais voyons, il faut que tu donnes deux informations de plus pour compléter l'histoire de Sébastian.

Fille Aînée -- Ben, c'est son histoire! C'est pas la mienne! Je ne connais pas Sébastian, moi, comment ils veulent que je donne des détails?

Moi -- Il faut que tu inventes, pardi! Laisse-toi porter par ta folie intérieure! Fais courir tes pensées dans les prés verts et tendres de l'imagination!

Fille Aînée -- Ah ouais, d'accord.

Plus tard...

Fille Aînée -- Ça va, comme ça?

L'histoire dans le livre commençait par: "Je m'appelle Sébastian. J'ai neuf ans et je mesure 1m30. J'habite au Chili."

Détails ajoutés par Fille Aînée: 1. "J'ai les yeux bruns." 2. "J'ai les cheveux bruns."

En voilà une qui ne me fera pas de concurrence.

Saturday, September 06, 2008

Listes d'attentes

(Oui, oui, je sais, tant de billets en si peu de jours, vous en avez le tournis. Mais ces temps-ci, je ressens comme une frénésie d'écriture du type "moi l'a bezoin", et je n'ai jamais trop été du genre "self-contrôle". Dire que bientôt, je vais devoir faire de la rétention de blogue en vue de pouvoir mettre des inédits dans le tome II. Ça va être dur. Alors en attendant, prenez votre médicament favori contre le mal de mer et lisez!)

***

Telle Rate-des-Champs en visite chez sa copine glamour, Mère indigne sirote un Cosmo dans un bar du centre-ville avec son amie de toujours, Emmanuelle l’Antivierge. (Afin de respecter la pudibonderie et le puritanisme de bon goût qui animent ce blogue en permanence, nous appellerons cette dernière Emmanuelle tout court.)

Mère indigne, pressée d’en arriver au fait – Et sinon, les amours, ça va?

Emmanuelle – Ben, depuis que Pluton est parti

Mère indigne – Ah, oui, Pluton! Ton cinquième amant, si je ne m’abuse? Celui qui a lâchement abandonné votre relation non officielle et chaotique parce que, le traître, il a trouvé ailleurs le véritable amour?

Emmanuelle, manifestement toujours agacée – Hmffoui. Lui. Enfin, bref, depuis qu’il est parti, j’essaie de gérer la diversité comme je peux.

Mère indigne – Attends, attends, je ne comprends pas. T’as moins d’amants. En quoi est-ce que c’est plus difficile à gérer?

Emmanuelle – Eh bien, tu comprends, avec cinq amants, c’était parfait. Un par semaine, donc pas tout à fait une fois par mois chacun. Ça gardait une distance convenable, ça évitait un engagement trop lourd. Mais maintenant, avec quatre…

Mère indigne – … C’est chacun une fois par mois.

Emmanuelle – Voilà. Et "une fois par mois", ça fait moins occasionnel. Ça sonne plus… régulier, tu vois. Ça leur donne des idées romantiques, des ambitions.

Mère indigne – L’espoir horripilant d’une relation normale.

Emmanuelle, hochant la tête – C’est dur.

Mère indigne – Je vois… Euh, je dis ça comme ça, sans être experte en maths ni rien, mais… tu pourrais t’abstenir une semaine? Comme ça, abracadabra! Psychologiquement, ils en sont au même point qu’avant. Moins de stabilité, moins d’ambitions, moins de ce romantisme poisseux qui rendrait n’importe qui complètement dingue.

Emmanuelle – C’est très facile d’être sarcastique quand on ne vit pas soi-même ce genre de casse-tête. Et pour ta gouverne, oui, arrêter une semaine, j’y ai songé. Mais ça va être difficile. Mon work-out du jeudi soir…

Mère indigne – Quel drame. Mais l’autre solution, ce serait le remplacement. Pas d’autres météores à l’horizon?

Emmanuelle – Ben, c’est à dire que…

Mère indigne – Ah, ah…

Emmanuelle – Il y aurait bien un intéressé, mais le problème, c’est moi. Je ne suis pas certaine de l’être.

Mère indigne – Mon Dieu, qu’est-ce qu’il a? C’est un cul-de-jatte à deux têtes qui a mauvaise haleine? T’es pas si regardante, d’habitude.

Emmanuelle, levant les yeux au ciel – Nooon. C’est un ami, il est marié…

Mère indigne – Et…?

Emmanuelle – Et, et! Je ne sais pas, moi, je vieillis! Je commence à avoir des principes.

Mère indigne, avalant sa dernière gorgée de Cosmo – C’est drôle, moi, plus je vieillis et moins j’en ai.

Emmanuelle – En tout cas, pour le moment, ça ne m’intéresse pas vraiment. Mais je ne sais pas comment lui dire.

Mère indigne – T’es trop habituée à dire oui à tout. Une vraie Mère Térésa de la séduction. Quand on a des enfants, ça aide au moins pour ça. On apprend à dire non rapidement.

Emmanuelle – Et efficacement?

Mère indigne – Euh… hum. Oui, bien sûr. Quoi qu’il en soit, si tu veux, j’ai une réplique taillée sur mesure pour cette situation.

Emmanuelle – Tu me fais peur.

Mère indigne – Non, non, écoute, elle est excellente. "Je suis désolée, Rodrigue, mais comme il y a plusieurs intéressés, tu vas devoir t’inscrire sur ma liste d’attente. Et j’ai bien peur que ce soit comme dans les garderies : le temps que ton tour arrive, tu vas être trop vieux pour ce que je vais avoir à te proposer."

Emmanuelle – …

Mère indigne – Pis? C’est bon, hein?

Emmanuelle – C’est sûr que faire une métaphore de garderie à un fringuant soupirant, ça risque déjà de le refroidir.

Mère indigne – Voiiiilà. Y’a rien comme les conseils d’une maman pour nous guider dans la vie. Et parlant de ça, guide donc ta main vers ton portefeuille : tu me dois un drink.

Friday, September 05, 2008

Fille Aînée, ou le côté obscur de la candeur

(Une pas-fiction pas-cathartique.)

***

Ça se passe dans la voiture, au retour d'une sortie de famille. Mère indigne est au volant et Père indigne s'efforce de subvenir aux besoins de la progéniture, ce qui implique parfois de répondre aux questions existentielles qui pourraient surgir -- et qui, oh! surgissent!

Fille Aînée, très Doris Day -- Je me demande de quoi j'aurai l'air en sixième année.

(Dans deux ans. Aussi bien dire dans deux siècles.)

Père indigne, prenant son rôle de guide spirituel très au sérieux -- Dans deux ans, je suis certain que tu seras encore plus belle, plus intelligente, et meilleure musicienne que maintenant.

Fille Aînée, dubitative -- Qu'est-ce qui te fait dire que je serais plus belle?

Père indigne -- Je le sais, c'est tout.

Mère indigne, montrant pourquoi il ne faut pas répondre à des questions existentielles quand on est au volant, où peut-être quand on est Mère indigne tout court -- Ben, minute. Imagine qu'on se fasse défigurer dans un accident de voiture. Fille Aînée ne sera pas plus belle, ni en sixième année, ni après.

(Ah, là là, les amis! Le visage de Père indigne quand j'ai dit ça. Impayable. "Elle est folle. Et c'est ma femme. La mère de mes enfants. Nous sommes maudits jusqu'à la quinzième génération." Juste pour ça, ça en valait la peine. )

Fille Aînée -- Hein??

Père indigne, se tournant vers la folle qu'il a eu le malheur d'épouser -- Franchement, quelle idée de dire ça? C'est vraiment pas très respon-

Fille Aînée -- Non, je voulais dire "Hein, papa?" C'est vrai ce que maman a dit!

Mère indigne, qui fait de plus en plus de trucs dangereux au volant -- Tope-là chérie!

Clap!

Fille Aînée, sur sa lancée -- En plus, si je me fais arracher le bras dans l'accident, je ne serai pas meilleure musicienne.

Mère indigne -- That's ze spirit! (Clap!)

Père indigne, excédé -- Et puis si tu te fais lobotomiser, tu ne seras pas plus intelligente, c'est ça?

Fille Aînée et Mère indigne -- C'est ça! T'as tout compris! (Clap!)

Bébé -- B'avo Papaaaaa!

Les filles -- Ahahahahahahah! (Clap! Clap!)

Bref, on s'est rendus à la maison sans se faire défigurer ni démembrer, et en ayant encore renforcé cette belle complicité mère-fille qu'il sera d'autant plus amusant de démolir à l'adolescence.

Quant à Père indigne, il s'est remis du camouflet infligé par le G.O. (gang des oestrogènes). Et vous, bande de baroudeurs au grand coeur, vous voilà aussi rassurés quant aux longues années remplies d'humour noir qui attendent cette soi-disant ingénue de Fille Aînée.

À moins, bien sûr, que la planète pète dans six mois. Mais moi, j'dis ça, j'dis rien.

Saturday, August 30, 2008

Le sadisme, la brutalité et autres passe-temps familiaux

Une (demi-)fiction cathartique.

***

Le grand problème de Fille Aînée, c'est qu'elle n'arrive pas à s'adapter à notre époque.

Elle est contre la barbarie, vous vous imaginez? Et ça peut vraiment devenir emmerdant.

Exemple: Je veux que Bébé termine son assiette de crevettes. Que faire? Moi, j'en prends une entre mes doigts, je la fais frétiller gaillardement, je prends une voix de crevette et je dis: "Non, non Madame, ne me mangez paaaaas! J'ai une femme et des enfants! Pitié, je vous en prie, piti-" et gloups! Je l'avale. Bébé, qui est une créature bien en harmonie avec notre ère dégénérée, rigole et avale le reste de ses crevettes en étouffant leurs cris de protestation par des "z'a besoin! z'a le D'OIT!" bien sentis.

En fait, Bébé aimerait bien que nous allions pêcher nous-mêmes nos crevettes. Au bazooka. En nous curant les dents avec un sabre japonais. Et en souillant la faune et la flore marines de nos râclures de gorge bilieuses et de nos pipis corrosifs. Pour vous dire toute la vérité, la réputation de Bébé est telle qu'il y a McCain qui a appelé à la maison pour savoir si elle voulait être son V.P. Mais quand Bébé a appris que les États-Unis étaient encore une stupide démocratie et non une tyrannie pleine de potentiel, elle a refusé.

Bref, avec Bébé, cuire les crevettes n'est qu'un prélude à leur torture psychologique. De l'amusement normal et hygiénique, quoi.

Mais, allez savoir pourquoi, Fille Aînée regimbe. Fille Aînée, elle, aimerait mettre au point une potion magique de vie pour faire ressusciter les crevettes grillées -- z'imaginez les maux de ventre.

Mère indigne tendant une crevette artificiellement frétillante à Bébé -- 'Oh, non, Madame, je vous en prie! Ne me mangez pas!'

Bébé -- Ha, ha! (Gloups!)

Fille Aînée -- Maman.

Mère indigne -- 'Songez à mes enfants, qui deviendront orphelins et n'auront plus personne à blâmer pour leurs malheurs!'

Bébé -- Hi, hi! (Croque!)

Fille Aînée -- Maman...

Mère indigne -- 'Songez que je n'ai pas encore fait mon pèlerinage à la faille de San Andreas, moi qui l'avais promis à ma pauvre mère avant que le gros requin la rattrape!'

Bébé -- Ho, ho! (Crounche!)

Fille Aînée -- Maman!!

Mère indigne -- 'Songez en outre que je viens de me refaire faire la poitrine à prix d'or et que mon mari n'a même pas encore pu en profiter! Pauvre crevette que je suis, mon sort est bien douloureux!'

Bébé -- Qu'est-ce qu'on se marre ici, saperlotte de cornegidouille! (Slurp!)

Fille Aînée -- Maman, arrête! Tu sais que je déteste quand tu fais ce genre de blagues.

Mère indigne -- Écoute, chérie, ce n'est pas que je n'en suis pas consciente. Mais il faudra que tu t'adaptes à une dure réalité: l'estomac de ta soeur est plus important que ta belle sensibilité. Pas mal plus, je dirais.

Fille Aînée, insultée, dit ce qu'il ne fallait pas dire -- Moi, en tout cas, je ne ferai jamais ça à mes enfants. C'est vraiment, euh, pas bien.

Le regard de Mère indigne se transforme alors sous vos yeux effarés mais éblouis: il devient froid. Sévère. Impénétrable. Reptilien.

Pas content.

Ça va mal se passer, mes tout-petits. Vous le sentez. Vous avez raison.

(En même temps, c'est ici que la fiction cathartique commence. Autrement dit, je me défoule en vous racontant du pas vrai. Z'a besoin, z'a le d'oit.)

Mère indigne -- Laisse-moi te raconter une merveilleuse histoire, chérie. L'histoire de ta conception. Comme tu le sais peut-être (je ne sais pas où vous en êtes avec ce récit dans la cour d'école, mais je prends pour acquis que, hein), tu es composée à moitié de l'ovule de maman, qui ressemblait à un grand soleil magnifique, et du spermatozoïde de papa, qui avait une gueule de petit têtard hargneux.

Fille Aînée -- Un têtard, hin hin...

Bébé, introspective -- On peut le...?

Mère indigne -- Non. Mais oui, un têtard. Hargneux. Et ta moitié têtard a dû se dépêcher, aller très très vite pour rejoindre ta moitié soleil. Parce que tu n'étais pas toute seule, mon amour. Ôôôôô que non. Vous étiez plus de deux cent cinquante millions à faire le sprint de l'amour. Deux cent cinquante millions. Plus de 62 millions de fois la population de notre maison. C'était la course, chérie. À fond la caisse.

Fille Aînée, impressionnée -- Et c'est moi qui ai gagné?

Mère indigne -- Oui, tu as gagné la course. Mais tu dois savoir que cette course, c'était aussi une course contre la MORT.

Fille Aînée -- (Cligne, cligne.)

Mère indigne -- Parce que tu sais ce qui est arrivé quand tu as touché le soleil en premier? Quand tu as crié "Hourra! J'ai gagné! Z'êtes nuls, les mecs!"? Tu sais ce qui s'est passé?

Fille Aînée -- N... non?

Mère indigne -- Les autres, ils sont tous morts. Tu comprends? Morts. Morts.

Bébé, réjouie -- Hou, hou!

Fille Aînée écarquille les yeux. On peut y lire l'incertitude ("ma mère est quand même susceptible d'exagérer...") mais aussi l'horreur ("...quoique peut-être pas").

Mère indigne -- Au cas où tu entendrais cette expression, le "péché originel", ben c'est ça. Tu avais du sang sur les mains alors que tu n'avais même pas encore de mains. Et même pas encore de sang, en fait.

Silence.

Mère indigne -- Alors j'aimerais vraiment que tu te souviennes, ma chérie, que quand ta mère bouffe une crevette, elle n'en tue pas 250 millions en même temps, elle.

Fille Aînée baisse la tête, repousse son assiette et descend dans sa chambre. Du sous-sol, on entend vaguement Queen chanter "Love Kills".

Père indigne -- C'était vache. Et c'était même pas une bonne analogie.

Mère indigne laisse poindre un rictus satisfait.

Fille Aînée, au loin -- Un jour, je la mettrai au point, cette potion magique! Et toutes les crevettes que vous avez mangées reviendront vous hanter!

Mère indigne, sans pitié -- Tu pourras PAS! Pour ta potion, ça va te prendre des yeux de grenouilles et des ailes de chauve-souris, et t'oseras PAS leur faire du mal! Na-na-nèreuh!

***

Plus tard, cette nuit-là, j'ai rêvé que 250 millions de crevettes me menaçaient avec leurs bazookas, en souillant mon lit de leurs crachats bilieux et de leurs pipis corrosifs. En me réveillant, j'ai dû me précipiter à la salle de bain.

Grosse indigestion.

Mais ça n'était sûrement qu'une coïncidence.

Wednesday, August 27, 2008

Un amour interminable

Comme vous le savez tous (oui, tous!), je termine depuis maintenant plusieurs années un doctorat en philosophie. Et ça serait bien que je le finisse pour de bon très bientôt, parce que la philosophie, comme je m'en rends parfois compte, ce n’est pas très bon pour le couple.

C’est vrai, quoi. Parfois, moi, je discute d’un point de vue com-plè-te-ment détaché des contingences de la vie. Je suis dans le méta-discours, mes loulous. Ça, c’est le discours au sujet du discours, loin, très loin, que dis-je, à une distance intergalactique du plancher des vaches.

J’hypothèse. Je théorise. J’épistémologise. Et soudainement, alors que je m'y attends le moins, on se met à me prendre au sérieux.

C’est pas juste.

Mère indigne – L’autre jour, je suis tombée sur un site Web qui croyait que la nanotechnologie permettrait un jour à l’homme de devenir quasi immortel.

Frère indigne, venu souper à la maison avec Belle-Soeur indigne – De quelle manière?

Mère indigne – Bon, j’ai pas tout compris, mais certaines personnes pensent qu'avec la nano, on pourrait vivre au moins trois cents ans. Tu t’imagines, vivre 300 ans?

Le regard de Mère indigne, rêveur, croise soudain celui de son tendre époux. «Tu t’imagines, chéri? Trois cents ans. Je ne pense pas que l’humanité pourrait continuer à fonctionner avec son schème idéalisant de couple-heureux-vivant-ensemble-pour- toujours.»

Père indigne – Qu’est-ce que tu veux dire?

Mère indigne – C'est évident. À la limite, c’est faisable de passer, disons, cinquante ans avec la même personne. Mais cent? Cent cinquante? Deux cent cinquante?? Les manies de l’être aimé doivent commencer à vous tomber sérieusement sur les nerfs. «Georges, voilà deux-cent-huit ans que je vous regarde vous gratter l’entrejambe tous les matins que Dieu a créés. J’en ai marre. Élargissons nos horizons. Vous m’avez eue toute à vous pendant plus de deux cents années, je me barre pour les quarante prochaines.»

(Notez comme Mère indigne théorise. Aucune référence à son vécu personnel. Que de l’hypothèse, de la supputation, de la conjecture ridicule sans véritable fondement. Une vraie pro.)

Père indigne – Moi, je pourrais t’aimer pendant trois cents ans.

(Notez maintenant comme Père indigne personnalise le débat. «Moi», «je», «t’aimer». C’est un incurable romantique, PI, et Mère indigne, elle, est trop prise par la dimension intellectuelle fascinante du débat pour remarquer qu’elle enfile gaffe sur gaffe.)

Mère indigne – Moui, enfin, si Georges est un bon compagnon de route, je peux comprendre qu'on reste avec lui. Pourquoi tout changer à 175 ans pour se rendre compte de toute manière que tous les hommes sont des gratteurs d'entrejambe compulsifs? Par contre, vivre deux cent-cinquante ans avec la même personne, j’aime autant te dire que la monogamie, c’est foutu.

Père indigne se tait.

Mère indigne – Non, sérieusement. C'est mort.

Belle-Sœur indigne ferme à demi les yeux, comme quelqu’un qui voit de très près un 45 tonnes se diriger tout droit vers la grande muraille de Chine avec plus de freins.

Mère indigne – Déjà que… T’as vu les études? C’est à peine si certaines personnes peuvent attendre cinq ans avant de se gratter l’entrejambe devant une nouvelle conquête. Cinq ans, voyons, qu’est-ce que je dis là, moi? Cinq jours.

Belle-Sœur indigne – Ils ont fait un épisode sur ce sujet-là dans une série télé américaine. Curb your enthusiasm. Le mari et la femme renouvelaient leurs vœux de mariage, et dans le discours de la femme, elle parlait d’amour éternel, blablabla. Le mec s’énervait en disant qu’il n’avait pas signé pour ça.

Mère indigne, à son mari chéri – Ben tu vois? Je ne suis pas la seule à avoir des inquiétudes du genre! L’éternité, en plus, t’imagines.

Père indigne, véritable diable's advocate qu’on peut presque soupçonner d’encourager Mère indigne dans sa spirale infernale de raisonnement fâcheux, vu le petit sourire qu'il a aux lèvres – Moi, si on vivait éternellement, je continuerais à t'aimer quand même. Et même après ma mort, si le Paradis existait, je t’aimerais toujours.

Frère et Belle-Sœur indigne parient discrètement sur l’issue de la lutte. Uxoricide ou maricide? Mère indigne ne part pas favorite, et ça n’est pas près de s’arranger.

Mère indigne – Le Paradis? Woah, minute! Le Paradis? Mais… mais… le mariage est un contrat qui unit deux personnes vivantes, là. Si le Paradis existe, j’exige la table rase, moi! Non, mais quoi encore? Même rongés par les vers, on va aussi continuer à se taper l’hypothèque?

Frère indigne manifeste son accord en se grattant discrètement la zone du kiki.

Père indigne, refermant le piège avec un talent et une ruse exemplaire – Dis donc, juste pour savoir, ça te prendrait combien de temps, à toi, pour vouloir changer de mari?

Mère indigne, comprenant subitement que son discours épistémologique sans fondement dans la vraie réalité avait été perçu comme une déclaration d’intention sur des projets personnels – À moi? Pour vouloir changer de…? Mais, voyons! Il n’est pas DU TOUT question de nous deux, ici! Je… je théorisais! J’hypothésais! Je méta-discourais, cibole! Tu sais bien que je t’aimerai éternellement. C’est sûr. Pas de trouble. C’est comme si c’était fait.

Silence dans la salle.

Belle-Sœur indigne – Bien essayé, mais trop tard.

***

Quelques jours plus tard, Mère indigne ayant réussi par des manœuvres connues d’elle seule à se raccommoder avec un Père indigne (qui faisait semblant d’être) ébranlé, il fallut aller au dépanneur afin de renouveler le stock de lait. Autre preuve de sa bonne volonté, Mère indigne se sacrifia.

À la caisse, une vieille dame discutait avec le commis.

Vieille dame – Moi, monsieur, je ne me suis jamais mariée. Jamais! C’est la meilleure décision que j’ai prise de toute ma vie.

Mère indigne, curieuse – Avez-vous aussi réussi à éviter les enfants?

Vieille dame – Non… J’ai deux jumelles. Mais le père est mort. Il est bien, il est avec Dieu, et bon débarras. La maudite paix.

Mère indigne – Ce n'est pas pour vous inquiéter inutilement, madame, mais si le Paradis existe, votre Roger, là, il est probablement en train de vous attendre en se la grattant.

Monday, August 18, 2008

Faites ce que je dis, pas ce que je fée

Sœur Indigne – Je t’annonce officiellement que Fille Aînée est une pré-adolescente.

Mère indigne – Quoi? Je te la fais garder deux jours et tu me la pervertis moralement?

Sœur Indigne – En fait, c’est elle qui m’a posé la question. « Tante Indigne, à quel âge est-ce qu’on devient une pré-adolescente? »

Mère indigne – Et tu lui as répondu…?

Sœur Indigne – « Ton âge. »

Mère indigne – Génial. Merci.

Sœur Indigne – C’est tout naturel.

Mère indigne – Non, sérieusement, je suis bien prête à croire que Bébé est dans sa pré-adolesc—

Bébé – NOOOOON!!! Moi lé PAS dans la p’éadolesse, BON! Moi z’a le DROIT! Moi z'a BESOIIIIN!

Mère indigne – Enfin, tu vois ce que je veux dire. Mais Fille Aînée?

Sœur Indigne – T'aurais dû voir ça. C’était super mignon. Quand je lui ai annoncé la bonne nouvelle, elle s’est plantée devant le miroir et a déclaré d’un air extrêmement satisfait : "Aujourd’hui, je suis devenue une pré-adolescente."

Mère indigne – Le pouvoir des mots. Qu’est-ce qu’elle a fait, ensuite? Elle est allée se faire tatouer le nom de son moniteur de camp de jour sur la fesse gauche?

Sœur Indigne – En fait, elle a continué à jouer aux petits bonhommes de princesse avec sa cousine.

Mère indigne – Voyez-vous ça. En plus, ça se déclare pré-ado, mais ça croit encore au Père Noël.

Sœur Indigne – Et à la Fée des dents, non?

Mère indigne – Sans parler du Lapin de Pâques. Je t’ai déjà parlé de ma grande crainte? J’ai peur que le moment où elle va frencher un gars pour la première fois chevauche sa période "je crois encore au Père Noël". Et pas nécessairement parce qu’elle va être précoce sur les frenchs.

Sœur Indigne – Moi, ta fille, je pense qu’un gars qui va vouloir la frencher, ça va être super facile.

Mère indigne – Arrête! Comment ça??

Sœur Indigne – Il va seulement avoir à lui demander "Savais-tu que le Génie de la Langue apparaît si on les frotte ensemble?"

Mère indigne – …

Sœur Indigne – (Cligne, cligne.)

Mère indigne – En tout cas, j’en connais une que la Fée Tais-Toi-Bordel s’est pas penchée sur son berceau quand elle était bébé.

Sœur Indigne – Gnac, gnac.

Thursday, August 14, 2008

C'est lui, son idole

Mère indigne, Fille Aînée et Bébé sont installées devant les Olympiques. Enfin, devant la télévision d'État, qui parle des Olympiques. Déjà, par son regard plein d’espoir tourné vers la lampe suspendue accessible par la table de la salle à manger, on peut voir que Bébé subit la mauvaise influence des gymnastes.

Mais ce n’est rien, comparé à ce qui nous attend.

La disgrâce.

L’horreur.

Le mal absolu.

Le mal absolu, j'ai nommé le reportage d'intérêt humain.

Dans ce cas précis, le reporter (Jean-René Dufort, pour pas l'nommer), dans une quête inconditionnelle de la vérité globalisante, a pensé profiter de son séjour en Chine pour tester la gastronomie locale. Et il a décidé d'expérimenter, directement sous nos yeux subjugués et éblouis, un mets de choix.

Fille Aînée – Maman. C’est pas vrai. T’as vu??

Mère indigne – J'ai bien peur que oui.

Bébé – ...

Fille Aînée – Est-ce que le monsieur, il va vraiment goûter au…

Mère indigne – J'ai bien peur que oui.

Bébé – ...

Reporter, à la tévé – C’est ça, c'est cette patente, là? Ça vient du serpent? Oui? Alors voilà, j’y goûte…

Mère indigne et Fille Aînée – Ouache.

Bébé – ...

Reporter, toujours à la tévé car pas question de l'inviter chez nous -- Mmmm, celui du chien est un peu gluant…

Mère indigne et Fille Aînée – Ah, ouache!

Bébé – ...

Reporter, qu’on va bientôt lui couper le sifflet sans lui donner l'avis de 30 jours –
Hé bien voilà, en direct de Beijing, veni, vidi, man-

Bébé – Manzé. Holy Virgin Mary Mother of God, on peut le manzer.

Mère indigne – Merde.

C'est bien, les reportages d'intérêt humain. Dans ce cas précis, on a réussi à contrer mon influence maléfique de mère pudibonde en montrant à Bébé qu’on pouvait, après tout, goûter à des zizis-pénis. Une pièce d'information que, dans notre monde évolué, il fait bon posséder à tout âge et se remémorer en toutes circonstances, afin d'être prête (et prêt) à faire face au premier rendez-vous dans une vieille Tercel, au rite d'initiation universitaire ou à la promotion-canapé.

Mais je vous préviens, ô monde du reportage d'intérêt humain. Au moindre problème médical ou psychologique dont je préfère taire les détails sordides, je vous envoie la facture.

Oldies goldies

La communauté en ligne Ladies Room m'a gentiment demandé la permission de piger dans mes archives pour leur journée "Histoires de famille". Dans leur grande sagesse, les éditrices ont choisi un des textes que j'ai eu le plus de plaisir à rédiger: Mère indigne fait sa bougonne

Merci à Ladies Room pour leur invitation, et à tous les nostalgiques, bonne relecture!

Tuesday, August 12, 2008

L'homard en héritage

Les filles, faut que je vous dise. C’est encore arrivé.

Vous vous souvenez d’Ex Indigne? Le gars qui ne m’a pas adressé la parole (et vice-versa, d’accord) pendant douze ans, sous prétexte qu’on avait rompu de manière un peu brutale? Et avec qui je me suis finalement réconciliée, parce que je suis comme ça, moi, bonne pâte, magnanime, parfaite?

Bon, ben l’autre soir, j’ai encore été au resto avec lui. Comprenez-le, le pauvre homme : il vient tout juste de divorcer, ça n’a pas été facile, et il voulait marquer l’occasion avec une bonne amie, tout simplement.

Touuuut simplement.

(Sans blague, j’adore raconter cette histoire. Non, mais, vous vous rendez compte? Tout le monde à qui j’en parle prête de mauvaises intentions à Ex Indigne. À lui! Pas à moi! Et ça, je vous prie de me croire, c’est rarissime.

Évidemment, je profite de ma position de victime pour en rajouter.)

Mère indigne – Tu sais, quand on était ensemble, il y a quinze ans, tu m’impressionnais tellement que ça me poussait à faire plein de conneries pour que tu m’apprécies.

Ex Indigne, bonne pâte, magnanime, parfait – Tu sais bien que tu n’avais pas à faire ça.

Mère indigne – Mais j’étais tellement jeune! Et il y avait une certaine différence d’âge entre nous, il faut bien l’admettre. Pour ne pas dire une différence d’âge certaine. Je ne voulais pas me l’avouer à moi-même, mais ça m’affectait.

Ex Indigne, un peu déçu tout de même – Je n’ai pas l’impression que ça t’affecte encore.

Mère indigne – Tu te trompes. J’ai l’impression que tu es mieux installé que moi dans la vie. Tu vois, tu peux te permettre de m’inviter dans un resto chic, et ça… ça m’intimide. Terriblement. Et c’est d’ailleurs parce que je suis toujours très intimidée et qu’inconsciemment, je te hais, que je vais commander l’entrée de foie gras poêlé à 55 dollars.

Ex Indigne – C’est effectivement ce que j’appellerais de l’intimidation.

Mère indigne – Tu rigoles…

Ex Indigne, grommelant
– Non.

Mère indigne – … mais tu ne devrais pas. C’est important, ce que je te dis là. Parce que je constate que je transmets sans le vouloir mes insécurités à mes enfants. Prends Fille Aînée. Elle est pareille comme moi, une vraie catastrophe! Toujours à vouloir faire plaisir, même s’il faut qu’elle se livre à toutes les bassesses pour y parvenir. En tant que mère qui ne veut pas que sa progéniture commette les mêmes erreurs qu’elle, ça m’inquiète. Et c’est pour ça que, l’autre jour, je lui ai parlé de toi. Je lui ai raconté la fois du homard.

Ex Indigne – La fois du homard?

Mère indigne – Oh, c’est vrai. Tu ne sais pas. Mon Dieu, ce qui est arrivé ce jour-là… c’était horrible. Je crois bien que c’est à ce moment précis dans notre relation que j’ai atteint le fond de la cage à crustacés.

Ex Indigne, l’air incrédule – Un homard?

Mère indigne – Mais oui, tu ne te souviens pas? On avait décidé d’aller au restaurant, et tu m’as demandé si j’avais déjà mangé du homard. Moi, je pensais que tu voulais dire du homard au restaurant. Alors j’ai dit non. Mais toi, tu as pensé que je n’avais jamais mangé de homard de ma vie. Tu étais tellement fier de me faire goûter à cette bestiole pour la première fois… Et moi, je voulais tellement bien faire… Je suis désolée de te dire ça comme ça, mais j’ai dû faire semblant du début à la fin.

Ex Indigne, estomaqué – Mais c’était absolument inutile!

Mère indigne – Je… j’avais besoin de ton approbation… La différence d’âge considérable que nous avions alors… et que nous avons toujours, je te signale…

Ex Indigne – Oui, bon, ça va…

Mère indigne – Enfin bref, j’ai menti. J’ai fait semblant d’utiliser des pinces à homard pour la première fois de ma vie, de ne pas savoir comment les tenir, d’hésiter avant de prendre la première bouchée. Et arrivée là, j’ai levé les yeux au ciel en signe d’extase, j’ai fait des «oooh» et des «aaaah» d’une voix rauque de plaisir, en espérant que j’aurais l’air suffisamment convaincue. Tu te rends compte! J’ai feint l’orgasme gustatif. Et toi, tu trouvais ça follement émouvant.

Ex Indigne – Dis donc, cette fois-là, justement, tu ne m’avais pas foutu plein de jus de citron dans l’œil? Il me semble que j’avais dû aller aux toilettes pendant une quinzaine de minutes, le temps de retrouver la vue.

Mère indigne – Je pense que je n’avais pas fait exprès - j’en suis presque certaine -, mais au moins, ça m’avait permis de finir mon homard tranquille.

Ex Indigne lève les yeux au ciel.

Mère indigne – Quoi qu’il en soit, je me suis dit qu’il n’était pas question que ma fille suive les traces pathétiques de sa génitrice. Je lui ai tout avoué, en espérant qu’elle sache en tirer les leçons.

Ex Indigne – Et les leçons furent-elles tirées?

Mère indigne – Elle m’a dit que je lui avais déjà raconté cette histoire quatre fois, mais qu’à cause de mon plaisir manifeste à lui en parler, elle n’avait pas osé m’interrompre.

Ex Indigne – Ça doit être la différence d’âge entre vous… Ça doit l’intimider.

Mère indigne – En tout cas, de t’avoir avoué tout ça, ça me soulage, tu ne peux pas savoir à quel point. On devrait fêter ça. (Se tournant vers les cuisines :) Garçon, champagne! Pour tout le monde!

Ex Indigne, le visage tout blanc, soudain – ???

Mère indigne, battant des cils – Est-ce que je t’ai déjà dit que je n’avais jamais, jamais bu de champagne? De toute ma vie? Pour le moment, tu es sous le choc, mais tu vas voir. Tu vas finir par trouver ça follement émouvant.

Sunday, August 10, 2008

L'étiquette, encore et toujours

Bébé -- Attention, Blansse-Neige. Moi ze suis la Méssante Reine.

Mère indigne -- Oh, Méchante Reine, que me voulez-vous?

Bébé -- Z'ai une pomme emPOIzonnée! (Bébé me tend une pêche.) C'oque... c'oque... C'OQUE!!!

Mère indigne, croquant la pêche -- Aaaaargh...

Bébé -- Pis là, Blansse-Neize, on dit MARSI!

Siffler en périssant, lalala-lala-lala...

Thursday, August 07, 2008

Poisson à un autre appel

Tout le monde ici n’est pas sans savoir que Bébé a une personnalité forte.

Forte et, ma foi, peut-être quelque peu perturbée.

Par exemple, dans Macaroni tout garni, elle s'identifie à Pouache-le-Ouache. "Maman, rega'de! C'est Bébé qui l'est arrivéééé! C'est moi! Moi ze vole! Moi l'est tout brun!" No comment.

Mais il y a pire. Le meilleur copain de Bébé est, en quelque sorte, un ami imaginaire. 

Une camaraderie complice s'est en effet installée entre elle et une image, qui se trouve dans un livre décrivant les merveilles des fonds marins. Lors Bébé, matin et soir, ouvre le livre à la bonne page (cette dernière toute abîmée de recevoir tant d’attention) et discute le bout de gras avec son pote, allant même jusqu’à lui expliquer la signification profonde de certains épisodes de Dora.

De quelle image s’agit-il? Allez, un petit effort. Pensez fonds marins. Fonds très, très profonds. Pensez créatures qui vivent dans le noir absolu et qui, ergo, n’en ont rien a foutre de l'apparence extérieure, de la séduction, de la peau lisse et des bad hair days

Bref, songez « bêtes immondes ».

Ensuite, imaginez-vous le pire d’entre ces monstres. Hé ben voilà, c’est lui. Le meilleur ami de Bébé. Celui qu’elle a affectueusement surnommé : Poisson Méchant.

Lui:


Bébé – Bonzour, Poisson Méssant! Ça va bien, Poisson Méssant? Bébé s’en va à la ga’derie, mais ne t’inquètte pas, Poisson Méssant. Ze reviens. Deux minutes.

(Plus tard.)

Bébé – Ça va, Poisson Méssant? Bébé est revenue, là. Ze te raconte Blansse-Neize, oké? Oké. Là, Poisson Méssant, la méssante reine avait un miroir…

Mère indigne – Oh! Tu racontes l’histoire de Blanche-Neige! Est-ce que je peux l’écouter aussi?

Bébé – NOOOOOON! Moi le raconte l’histrare à POISSON MÉSSANT!!! Z’ai le DROIT! Moi z’ai BESOIN! Toi tu peux PAAAAS! Va-t'en! (Puis, pleine de sollicitude:) Pleure pas, Poisson Méssant, c’est ma maman. Elle peut pas.

(C'est à ce moment que Mère indigne , telle Blanche-Neige dans la forêt inhospitalière, s'enfuit pour sangloter dans les toilettes.)

Je vous avoue que, victime d’un tel rejet, et en faveur d’une bestiole aussi grotesque, j’éprouve parfois du plaisir et un certain soulagement à me réfugier auprès de Fille Aînée.

Fille Aînée, elle, veut faire plaisir à sa maman. Fille Aînée, elle, comprend que je ne suis pas passée par les inconvénients de la grossesse (pas d’alcool, ou presque) et par les douleurs de l’accouchement (même avec l’épidurale, ça fait mal pareil, si si) pour me faire traiter comme un chromosome de concombre par le fruit de mes entrailles.

Bref, Fille Aînée, elle est mignonne.

Mère indigne – Alors, mon cœur en sucre, qu’est-ce que tu as fait de beau aujourd’hui au camp de jour?

(Par réflexe, j’approche mes mains de mes oreilles pour les boucher en cas de hurlement strident, mais ça n’est pas le genre de ma mignonne Fille Aînée.)

Fille Aînée – J’ai trouvé la réponse à une énigme! Je n’osais pas la dire devant tout le monde, mais mes amis me disaient « Oui! Oui! Dis-le! »... Alors j’ai pris une chance.

(Trop mignonne.)

Mère indigne – C’était quoi, l’énigme, mon petit pain au chocolat?

Fille Aînée – « Plus on est loin, moins on y pense. Plus on est proche, plus on y pense. Mais une fois que c’est arrivé, et une fois que c’est passé, on n’y pense plus. » Tu vois ce que c'est?

Mère indigne, nulle dans plein de domaines dont celui des énigmes à la mord-moi-le-nœud (et ne le sont-elles pas toutes, ces salopes?) – Je n’en ai vraiment aucune idée.

Fille Aînée – Moi, au début, j’ai pensé que la réponse, c’était "notre anniversaire". Mais je pense au mien pas mal tout le temps – avant, pendant, après–, alors…

(Mignonne de chez mignonne.)

Fille Aînée – Ensuite, j’ai pensé à l’amour. Mais il me semble que même quand c’est passé, on y pense encore, hein, Maman?

(Mignonne, et sage.)

Fille Aînée – Alors, il ne restait plus qu’une seule chose.

Mère indigne (qui n'essaie même pas vraiment, faut dire) – Laquelle?

Fille Aînée – La mort.

(Super mign–)

Mère indigne – La mort?

Fille Aînée – La mort.

Mère indigne – Tu… tu avais déjà lu cette énigme dans ton livre de dragonologie? Tu la connaissais déjà?

Fille Aînée – Non, non. J’y ai pensé toute seule. Je me suis dit, tu sais, plus on vieillit, plus on a peur de mourir, mais une fois qu’on est mort… j’veux dire… on aura beau faire… y’a plus rien. On ne peut plus vraiment penser. Soit notre cerveau est brûlé, là, tu sais, s'ils nous mettent dans le four, soit les vers nous le mangent par en-dedans. Alors.

Mère indigne – …

Fille Aînée – En passant, tu ne m’as toujours pas dit si le Père Noël existait ou non.

Mère indigne – Attends deux minutes, chérie. Tiens, voilàààà. Je te passe le Traité du désespoir de Kierkegaard et L’Être et le Néant de Sartre. Tu me lis ça, et ensuite, on se reparle du Père Noël. En attendant, je vais aller discuter de la beauté du crépuscule avec Poisson Méchant. J’ai le droit. Et Dieu sait que j’ai besoin.

Tuesday, August 05, 2008

Soeur fou rire

Les filles, en tondant le gazon ce matin, j'ai eu une révélation. Bien entendu, je me suis tout de suite précipitée vers Père indigne pour lui en parler.

Mère indigne -- Chéri, en tondant le gazon ce matin, j'ai eu une révélation. Bien entendu, je me suis tout de suite précipitée vers toi pour t'en parler.

Père indigne -- Ne me dis pas que tu as compris que j'étais fantastique?

Mère indigne -- Bien sûr, tu es forminable, comme dirait Bébé. Mais non, c'est pas ça. J'ai eu un flash. Quand j'allais à l'école au collège de soeurs, en secondaire 1 et 2, y'avait Soeur Pauline. Elle nous fascinait parce que, contrairement à la majorité de ses collègues, elle avait eu la vocation sur le tard. Je me souviens encore du moment où elle nous avait raconté qu'elle s'était mariée, qu'elle avait eu deux enfants, et qu'à trente-deux ans, elle avait reçu l'appel du Seigneur.

Père indigne -- Wow.

Mère indigne -- Ben, c'est ça qu'on se disait! Wow! Elle avait un couple, une famille, mais l'appel de Dieu était si fort qu'elle a quand même tout laissé tomber pour s'enfermer dans un couvent. Le renoncement total. Mais ce matin, j'ai compris. Tu vois ce qu'elle a fait, Soeur Pauline?

Père indigne -- Elle s'est barrée.

Mère indigne -- Ex-ac-te-ment!! Elle s'est barrée! La vie de famille, le mari, les petits monstres, les repas, les couches, les crises, les lunchs, le gazon... Elle en a eu marre et bonsoir la visite! Allez que je m'enferme toute seule dans ma petite chambre avec ma Bible et mes romans policiers, je deviens une sainte femme et j'ai la sainte paix. Alors là, chapeau, Soeur Pauline! Un vrai coup de génie! Elle doit encore en rire dans son lit le soir, en lisant le dernier Lawrence Block. (Silence admiratif.) Le pire, tu sais c'est quoi?

Père indigne -- Quoi?

Mère indigne -- Un jour, Soeur Pauline m'avait demandé de rester avec elle après la classe. Quand toutes les autres élèves ont été parties, elle s'est penchée vers moi, m'a regardé droit dans les yeux, et m'a annoncé solennellement que Dieu avait besoin de moi. J'étais terrorisée.

Père indigne -- Laisse-moi deviner. Maintenant, tu commences à trouver ça moins effrayant.

Mère indigne -- L'appel de Dieu, chéri. L'appel de Dieu... Je le sens, LÀ! Il y a comme une force irrésistible qui prend possession de moi, une soif inextinguible de Le servir...

Père indigne -- Ça va quand même impliquer que tu renonces à pas mal de trucs, foie gras et Barsac pour commencer.

Mère indigne -- Oh! Attends, je ne t'ai pas dit le meilleur. Dieu a seulement besoin de moi pendant une semaine. Dans un Club Med. Ensuite, il se peut qu'il ait encore recours à mes services, mais de manière toujours très ponctuelle.

Père indigne -- Ta soudaine vocation a l'air un peu trop taillée sur mesure.

Mère indigne -- Les voies de Dieu sont impénétrables. Et c'est comme ça qu'on les aime.

Monday, July 28, 2008

En-cas d'urgence

Mère indigne reçoit la visite d'Amie-célibataire-indigne- femme-fatale-sulfureuse-et-dégénérée (pour faire court, nous l’appellerons Emmanuelle-l'Anti-Vierge. Bon, peut-être juste Emmanuelle, finalement, mais vraiment par souci d'espace). Toutes deux tentent d’avoir une conversation de filles autour d’un café.

Mère indigne – Attends, là, je comprends mal. Ton mec, il t’a dit qu’il avait une pépine? Je croyais qu’il était médecin.

Bébé -- WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!!!

Emmanuelle – Non, pas une pépine. Il s’est dégoté une [AAAAAAAAAAAAAAAAAAA]ine.

Mère indigne – Il s’est fait tatouer quelque chose sur la p[AAAAAAAAAAAAAAAAAAA]???

Emmanuelle – (Soupir.) Tu comprends ri[OUAIIIIIIIIINNNNNNNNN].

Mère indigne – Merde. Attends deux secondes. (Puis, se tournant vers Bébé :) Mais qu’est-ce qui se passe, chérie?

(Note aux futurs parents : la crise qui suit est authentique. Comprendrez que vous auriez dû vous retenir. Je sais. Dommage. Trop tard.)

Bébé, se jetant par terre avec grand fracas – WAAAAAAAAAAA! Moi l’a tombééééééééaaaaaHHAAAA!

Mère indigne – Mais non, tu n’es pas tombée. Tu t’es jetée par terre.

Bébé – NonmoilaPAjetéparterre!! MOILATOMBÉ! BON! WIIIIIIAAAAAAAAAAHHH!

Mère indigne – Bon, d’accor-

Bébé – NANPADACCORAAAAAAAAA!!!

Mère indigne – Viens me voir, ma chouette, on va trouver une solution.

Bébé – NooooOOOOOooooon! On trouvera PAS de solution!!! On va trouver du CACA!!!

Mère indigne -- ...

Bébé – On va trouver de la CROTTE!!!

Mère indigne -- ...

Bébé, de plus en plus féroce – ON VA TROUVER DU CACA-CROTTE!!!

Mère indigne – Oké. J’ai compris. Tiens.

Bébé – NANMOIVEUXPAAAAAAaa. Marsi.

Suit un silence inespéré et quasi insoutenable.

Emmanuelle – C’est quoi? C'est... c’est des bonbons?

Mère indigne – Oui. D'habitude, ça fonctionne avec un ou deux, mais étant donné l’ampleur de la crise, j’ai pensé que ça valait la peine de lui filer le sac.

Emmanuelle – Attends, là, je rêve. Tu es en train d’apprendre à ta fille à manger ses émotions?

Mère indigne – Si je peux au moins lui apprendre une chose utile dans la vie, que ce soit celle-là.

Emmanuelle – Ben voyons! Ça n’a aucun sens! Il faut lui apprendre à gérer ses colères, à renforcer son estime de soi, à canaliser ses sentiments négatifs dans quelque chose de productif...

Mère indigne – Dans quelque chose de prod— non. J’ai assez de bricolages qui traînent partout, s’il faut que j’en ajoute un à chaque crise...

Emmanuelle – Tu pourrais au moins essayer de la raisonner, je sais pas, moi...

Mère indigne – Ben voilà. Justement. Tu ne sais pas.

Emmanuelle, levant les yeux au ciel – Classique. Je n’ai pas d’enfants, je ne peux rien dire.

Mère indigne, doctement – C’est pas une question d’enfants, c’est une question de savoir-vivre. Je dirais même plus, c’est une question de sauce-yolodgie. Tout le fonctionnement de la société est élaboré autour de la dégustation des émotions. Et d'ailleurs, j’irais même encore plus loin et je dirais que celui qui ne mange pas ses émotions ne mérite pas d’en avoir.

Emmanuelle – Bon, v’là autre chose.

Mère indigne – Pourquoi on va au restaurant, hein? Hein? Pour fêter des trucs! Pour célébrer! D’ailleurs, dans les magazines de bouffe, c’est toujours ça : préparer des banquets, des soupers entre amoureux... T’es heureux? Tu manges. Et les chips, mon Dieu. Les chips. C’est conçu pour la célébration, les chips. Surtout les Pringles, t’a vu la forme de la boîte...

Emmanuelle – Mais là, c’est la crise de nerfs de ta fille que tu célèbres en lui donnant des bonbons.

Mère indigne – Bon, bon, t’as raison, je vais faire un peu de renforcement positif. Bébé, ça va, t’es contente maintenant?

Bébé, la bouche pleine d’une masse collante – Mvfoui.

Mère indigne – Excellent. Tiens, fête ça avec une couple d’autres framboises en gelée.

Bébé – Mfwarsi.

Mère indigne – Elle est tellement polie. Je devrais la récompenser.

Emmanuelle – Ah, mon dieu! Arrête! C’est super choquant.

Mère indigne – Peut-être, mais en attendant, je vais pouvoir comprendre ce que tu essayais de me dire depuis tout à l’heure.

Emmanuelle – Ah. Oui. Écoute. C’est encore plus choquant.

Mère indigne – Quoi? Tu t’es mise au scrapbooking?

Emmanuelle – Es-tu folle, jamais. Non. Figure-toi que mon amant s’est fait une copine.

Mère indigne – « Ton » amant? Excuse-moi, je croyais que t’en avais dix-huit.

Emmanuelle – Quatre. Cinq. En tout cas, depuis trois jours, j’en ai juste quatre, ça a l’air.

Mère indigne – Tu es phobique de l’engagement, tu m’as déjà dit que la tendresse, c’était « gluant », ça devrait te faire plaisir de voir que ton attitude n’est pas contagieuse. Et aussi de voir que le gars continue d’être attiré par des filles, même après son expérience avec toi.

Emmanuelle – Tu peux rigoler, mais ça m’affecte vraiment profondément. Le truc, c’est que j’aime que ma vie soit régie par des règles, comment dire, cosmiques. Genre, je suis le Soleil, pis là y’a plein de petites planètes qui gravitent autour de moi. Et dans un système solaire, y’a combien de soleils?

Mère indigne – Euh, attends...

Emmanuelle – Juste un. Y’en a juste un. Là, un amant qui se fait une blonde, c’est comme deux soleils dans un même système solaire. Ça perturbe le cours normal des lois de la nature.

Mère indigne – T'as quand même pas le don d'ucubit- pardon, d'ubiquité. C’est pas fatiguant d’être le seul soleil?

Emmanuelle, le regard rêveur – C’est une bonne fatigue.

Mère indigne – J’ai une idée : tu rebaptises ton amant « Pluton » et pouf!, c’est même plus une planète.

Emmanuelle – C’est pas si simple. Enfin bref, ça m’a mise toute à l’envers, ça fait trois jours que je mange à peine.

Mère indigne – Hé ben voiiiilà! La candidate parfaite pour une rééducation! Ma chère, aujourd’hui, tu vas manger tes émotions. Que dis-je, tu vas les dévorer. Et je vais t’accompagner dans ta démarche.

Emmanuelle – J’aime pas les bonbons.

Mère indigne – Minute, minute. Les bonbons, c’est le stade 1, pour les enfants, puisque leur goût n’est pas encore de toute première qualité. Pour nous, j’ai ÇA.

Mère indigne ouvre le frigo et dépose sur la table un pot de foie gras tout neuf et une bouteille de Barsac. Toute neuve aussi. Mais rassurez-vous, pas pour longtemps.

Mère indigne – Le stade 2. C’était pour Père indigne et moi, mais il va comprendre ta détresse. Enfin, je crois...

Une heure plus tard...

Mère indigne – Pis? (hic!) Pluton?

Emmanuelle – Il en reste un petit peu au fond...

Mère indigne, déçue – Oh. J’aurais vraiment cru que ça t’aurait totalement guérie.

Emmanuelle – Non, je veux dire, il reste un petit fond de foie gras. Quoique (hic!) pour Pluton, je vais quand même m’ennuyer de ses cu[WAAAAAAAAAAAAAA]us.

Mère indigne, jetant un bonbon à Bébé – De ses quoi??

Emmanuelle – Nevermind. Donne-moi le fond de Barsac, ça va finir de guérir le bobo.

Mère indigne – J’aime ça quand l’élève dépasse le maître.

Plus tard, Bébé est au lit, Emmanuelle est partie, et Père indigne questionne.

Père indigne – Puis? De quoi vous avez parlé avec Emmanuelle?

Mère indigne – D’astronomie, figure-toi. De systèmes solaires, de planètes, d’harmonie dans l’univers...

Père indigne – Des cerveaux comme vous deux, vous devez avoir réglé la question de savoir si l’univers se rétracte ou s’il est en expansion?

Mère indigne – Ben, le sien s’est rétracté, je pense. Elle a aussi vaguement fait allusion à des cumul0-nimbus... Enfin, je crois, je ne suis pas certaine, y’a Bébé qui faisait une crise.

Père indigne – C’est Bébé qui a bouffé le foie gras?

Mère indigne – Non, c’est, euh, c’est nous... Avec Emmanuelle en pleine crise galactique...

Père indigne – Notre foie gras. De couple. Ça me fait mal.

Mère indigne – T’es triste? Tu devrais manger au lieu de te plaindre. Tu sais, sociologiquement, c’est plus civilisé.

Père indigne – ...

Mère indigne – Tu veux un bonbon?

Père indigne – J’aime pas les bonbons.

Mère indigne – Je parle de « bonbons ». Stade 3. On les trouve en général dans la chambre, sous les couvertures.

Père indigne – Oh. Je vois... Tiens, c’est drôle, je sens que mon univers est en expansion.

Mère indigne – Tu vas voir, je suis une thérapeute super professionnelle. Et pour mon salaire, je prends les chèques personnels.

Père indigne -- Bien essayé, Docteur Maman, mais cette fois-ci, je vais mettre ça sur ma carte soleil.