Tuesday, January 29, 2008

Échec et maths

Les filles, faut que je vous raconte.

Quand j'ai été au dépanneur l'autre soir, je me suis fait outrageusement draguer. Et pas par n'importe qui, hein! Par un membre de l'espèce sauvage communément appelée "les petits jeunes". Incroyable, hein? Le machin, là, derrière le comptoir, ça avait à peine 20 ans! Et ça me draguait, j'en suis sûre!

Comment je le sais, qu'il me draguait? Trop facile! Trop "faf", comme dirait Fille Aînée.

Il me tutoyait.

Si c'est pas la haute-voltige de la séduction, ça, mesdames, je ne sais pas ce que c'est.

Non mais, c'est vrai. Tout le monde le sait. Avant trente ans, on a besoin d'un paquet de flas flas pour comprendre que ces messieurs, si timides, si réservés, nous feraient bien une place dans leur coeur à côté du dernier modèle d'iPod. Ça nous prend des regards sulfureux mais pas trop, des jeux de genoux éloquents mais juste assez; parfois même, on exige de la conversation. Fariboles! Carabistouilles!

Après trente ans, on devient beaucoup plus désesp-- avisées. D'entrée de jeu, on comprend que le tutoiement, loin d'être un banal choix de langage, signifie "je te considère comme mon égale, l'âge n'a pas d'importance, envolons-nous ensemble sur les ailes d'un transporteur aérien à rabais afin d'aller découvrir les méandres des paradis tropicaux ainsi que les nôtres, et tout cela, alcool inclus."

Alors quand le petit jeune m'a dit "Salut! Ça va-tu bien?", j'en avais déjà les jambes toutes ramollies.

Je me mis à arpenter les allées du dépanneur en fredonnant "Il était une fois nous deux". J'étais hypnotisée par les pots de mayonnaise, dans lesquels je voyais la crème solaire que nous glisserions dans nos bagages, moi et le petit jeune, afin de vivre sans insolation notre rêve fou.

C'est au moment de payer que les choses se sont gâchées. Je déposai mon Canada Dry et mes deux contenants de lait sur le comptoir, et le jeune me posa la question fatale:

Petit jeune -- T'as-tu la carte du CAA?

Remarquez le tutoiement doublé. Ah, ça, il y allait fort, le jeune homme. Il avait compris que la qualité, ça ne se négocie pas. Mais de mon côté, c'est là que j'ai commis ma première erreur. J'aurais dû comprendre que c'était une question purement rhétorique. Que la carte du CAA, y'a que les vieux qui en ont une. Que les femmes avec qui on rêve d'aller explorer l'Amazone en string ne possèdent pas de carte du CAA. "La carte du quoi?" aurais-je dû répondre avec dérision.

Mais non. J'ai choisi la voie de l'échec.

Moi -- Euh... Ça donne quoi, au juste, la carte du CAA?

Le petit jeune -- 2% de rabais sur les achats.

Il n'a pas dit "Un dérisoire 2% qui ne vaut pas le fait qu'en me présentant ta carte, tu deviendras à mes yeux, et à jamais, une vulgaire matante", mais de toute manière, ça n'aurait pas changé grand chose. Parce que moi, j'étais déjà en train de faire le calcul.

2% sur deux fois 3,25 plus 1,25, ça fait, euh... euh... Deux fois trois, six, plus 1, plus trois fois vingt-cinq, et là on parle de sous, alors... tralala, j'économise un peu plus de 8 sous. HUIT SOUS! Wow. Malade! J'ai réussi à faire le calcul!

Mon regard éclatant traduisait ma joie d'avoir vaincu la multiplication des pourcentages. Son regard méprisant traduisait le fait qu'il pensait que mon regard éclatant signifiait que je m'énervais pour même pas dix cennes.

Le reste ne fut qu'une suite d'erreurs tragiques. Les miennes.

Moi -- Oui, euh, c'est parce que, du lait, j'en achète souvent, c'est pour les enfants...

Sourcils froncés du commis qui ajoute quelques années à mon curriculum et qui, horreur, comprend que ce corps caché sous six couches de vêtements a servi à autre chose qu'à s'abandonner aux plaisirs débridés de la chair.

Moi -- Euh, en fait, c'est mon mari qui insiste pour qu'on aie la carte du CAA...

Regard inquisiteur du commis qui remarque mon alliance et qui s'imagine alors, j'en suis certaine, sa cliente debout sur une chaise, ridiculement hilare, en train de se faire arracher la jarretière par un inconnu bavouillant, devant une foule qui a trop profité du bar ouvert.

Et le massacre n'était même pas terminé.

Moi -- Et, euh... du Canada Dry, je... j'en bois jamais d'habitude, c'est juste que ce soir, euh...

Non, non, malheureuse!, me criait mon instinct millénaire de chasseresse. Ne dis rien! Ne--

Moi -- ... J'ai des problèmes de digestion.

Le commis, dégoûté -- Ça vous fera 7,75$.

Vous! Il m'avait dit vous.

Oubliées, nos promenades sans fin sur les plages de Bali, nos courses folles dans la mer, les coquillages qu'il m'aurait offerts en me lançant de timides regards d'admiration et de déférence, nos après-midis passés à nous éclabousser en riant, riant... Tout ça, mort et enterré, parce que ce jeune blanc-bec ne pouvait pas (ou ne voulait pas?) comprendre que j'avais mangé trop de crème fouettée avec les fraises, au dîner.

Je saisis mes emplettes d'un geste rageur et me dirigeai vers la sortie sans un regard en arrière. Je ne pus cependant m'empêcher, avant de claquer la porte, de lui décocher ce trait assassin:

-- Je n'en portais même pas, de jarretière, à mon mariage! Traître!

Cassé-bouché, il était, le petit. Je pense même que j'ai vu son doigt frôler le bouton-panique.

***

Père indigne -- Tu as parlé de tes problèmes de digestion??

Mère indigne -- Ouiiiii! (sniff) Et après... après... il m'a vouvoyée!

Père indigne -- Allons, allons. Je te prépare une vodka-orange, et on n'en parle plus. De toute manière, tu oublies le principal.

Mère indigne -- (sniff) Quoi?

Père indigne -- Eh, bien, tu t'es trompée dans ton calcul. Ce n'est pas huit sous que tu as épargnés, mais bel et bien QUINZE!

Mère indigne -- Mais... mais alors... Je suis une héroïne?

Père indigne -- Avec cette carte du CAA, plus rien ne pourra t'arrêter.

Mère indigne -- Oh, Chéri... Comme tu sais parler à ta femme...

Père indigne -- Qui plus est, il me vient à l'esprit une excellente suggestion: pour exorciser tout ça, on se rejoue la scène du dépanneur. Mais cette fois, c'est moi le commis...

Saturday, January 26, 2008

Tranche de vie, cuvée huit ans et demi

Fille Aînée -- Maman, maman! J'ai inventé une blague!

Mère indigne -- Vas-y, j'écoute...

Fille Aînée -- Sais-tu ce qui est écrit en premier sur la liste de course d'un petit orphelin?

Mère indigne -- Heu. Des parents?

Fille Aînée -- Hin hin hin! C'est ça! DES PARENTS!

Mère indigne -- Hin hin hin... Hum. C'est pas... enfin... C'est pas très gentil comme blague.

Fille Aînée -- Oh, mais je ne voulais pas rire des orphelins, hein. C'est juste que dire qu'il y a des parents sur leur liste de courses, je trouvais ça drôle...

Mère indigne -- Oui, je comprends. C'est parce que c'est incongru de penser qu'on pourrait trouver des parents au magasin. C'est ça, la vraie blague, ce n'est pas que les orphelins n'ont pas de parents.

Fille Aînée -- Ouais. C'est ça.

Mère indigne -- C'est comme si tu demandais ce qui est écrit en premier sur la liste de courses d'un unijambiste. Ce ne serait pas pour--

Fille Aînée -- C'est quoi, un unijambiste?

Mère indigne -- Quelqu'un qui a juste une jambe. Alors si tu demandes--

Fille Aînée -- Une jambe.

Mère indigne -- ... ce qui est écrit en prem--

Fille Aînée -- Une jambe.

Mère indigne -- ... premier, sur la liste de courses d'un--

Fille Aînée -- Une jambe!

Mère indigne -- ... d'un unijambiste, la--

Fille Aînée -- Une jambe!

Mère indigne -- ... la réponse, c'est--

Fille Aînée -- Unejambunejambunejambunejambunejambe!

Mère indigne -- ... c'est une--

Fille Aînée -- JAMBE! Hein maman, c'est une jambe!

Mère indigne -- Ben oui, c'est une jambe.

Fille Aînée -- Je le savais! Hin, hin...

Mère indigne -- Mais c'est pas pour rire des unijambistes que--

Fille Aînée -- Une jambe! Hin hin hin...

Mère indigne -- ... qu'on fait la blague.

Fille Aînée -- Hin hin hin!

Mère indigne -- Hin hin hin!... Hum.

Monday, January 21, 2008

L’amour à trois, ou les alexandrins de la frustration

(Ces quelques lignes de poésie pleines de tendresse sont dédiées à Chroniques Blondes, qui nous rappelait vendredi dernier que «nos chères têtes blondes sont bel et bien notre meilleur moyen de contraception».)

***



***

Dans la maison Indigne, au lit sont les petites
Et Père indigne, l’œil vif, y va de son invite

PÈRE INDIGNE
Les filles sont couchées, sans gastro ni bronchite
Profitons du sommeil qui enfin les habite
Si tu l’oses, de l’amour, accomplissons le rite
Ma baguette magique, c’est de la dynamite

(Mais leurs premiers ébats, leur future inconduite
Sont interrompus par un virulent pruït! pruït!)

MÈRE INDIGNE
Qu’est-ce donc que ce bruit, interruption fortuite
Qui distrait mon esprit de ton bloc de granite?

PÈRE INDIGNE
Heu, parlant de baguette, c’est Bébé qui agite
Celle que tu as achetée dans un Dolloramite

MÈRE INDIGNE
Que fait-elle dans son lit, cette baguette maudite?

PÈRE INDIGNE
C’est moi qui l’y ai mise, c’est sa favorite
Mais rétrospectivement, je me traite de twit!

MÈRE INDIGNE
Ouain, si ça continue tes carottes sont cuites
Ce bruit (pruït!) mettra ma libido en faillite

PÈRE INDIGNE
Attendons dans le noir, peut-être bien que (pruït!)
Bébé s’endormira, et nous pourrons ensuite
(Pruït!) Jouer à explorer grotte et stalagmite

Les parents tendent l’oreille vers les bruits parasites
Et après quinze minutes ponctuées de pruït!
Le dodo semble enfin imposer ses limites…

PÈRE INDIGNE
Plus de pruït!, ma chérie, ne soit pas déconfite!
Bébé dort! À l’attaque! Enlève-moi cette (pruït!)
(Pruït! pruït! pruït! « Fèreuh Zak! » Pruït! « Matineuh! » Pruït, pruït!)

MÈRE INDIGNE
Range la tienne, de baguette, parce que tous ces "pruïts!"
M’ont jusqu’à enlevé le goût d’une petite vite

PÈRE INDIGNE
Je comprends, ma chérie. Que ce destin m’irrite!
J’aurai toute la nuit une crampe à la frite.

Tuesday, January 15, 2008

Ça change du jambon roulé

A priori, je n'ai rien contre France Gall et Jacques Dutronc. Poupée de cire, poupée de son, c'est très bien, et entendre la pauvre France chanter l'amour d'Annie pour les sucettes a quelque chose d'émouvant.

Mais ces deux-là jouent aussi à un jeu dangereux. Ils chantent des chansons qui parlent de thèmes d'adolescents et d'adultes, mais qu'à cause de leurs mélodies rigolotes, les enfants aiment aussi. Ça, ça nous fait peur, à nous, les parents. Car même si on préfère Dutronc à Océane, il y a des choses qu'on aime mieux ne pas avoir à expliquer.

Fille Aînée -- Maman, c'est quoi un piège à filles, un piège tabou, un joujou extra, qui fait crac-boum-hu?"

Moi -- Euh... Une Wii.

Fille Aînée -- Aaaaah, d'accord.

(Soeur Indigne, à qui nous avons relaté l'incident -- Ah, ouais. Une Wii, Wii, Encore.)

Cependant, rendons à Fille Aînée ce qui lui appartient: à huit ans, elle est encore l'innocence incarnée. C'est pas comme l'autre, là, le truc de deux ans et demi qui gambade dans la maison en scandant ZIZI-PÉNIS et en célébrant le potentiel érotique du jambon roulé. D'ailleurs, la chanson préférée de Bébé, en ce moment, je vous le donne en mille, c'est "Les Playboys" de Dutronc. Elle, je suis convaincue qu'elle le sait d'instinct, ce que c'est, le joujou qui fait crac-boum-hu.

L'instinct, chez les bébés, ça peut être terrifiant.

Mais Fille Aînée, c'est différent. Un oasis de pureté au milieu d'un désert de jambon. À preuve, cette conversation entre elle et moi dans un petit train électrique de centre commercial:

Fille Aînée -- Maman... Est-ce que je pourrais faire un tour de train toute seule, tout à l'heure?

Moi -- Toute seule? Mmmm...

Fille Aînée -- Steplèsteplèsteplèsteplèsteplèstepl--

Moi -- ...moui.

Et Fille Aînée, ravie, d'entonner: "Mes premières vraies vacances, j'en rêvais depuis longtemps..."

Ça, c'est une chanson de France Gall, où elle raconte à quel point elle sera ravie de partir à la mer l'été prochain sans ses imbéciles de parents, de rester décoiffée, nu-pieds, et peut-être même de rencontrer un charmant jeune homme qui va lui jaser crac-boum-hu dans un coin sombre de la seule discothèque du patelin. Ou peut-être pas. Car France insiste:

D'accord
Pour la balade en bateau
D'accord
Et s'il m'offre des gâteaux
D'accord
Mais s'il m'en demande trop
Paaaas d'accord

Je craignais un peu le moment où Fille Aînée voudrait investiguer les tenants et aboutissants du "trop" en question. Qu'est-ce qu'il pourrait lui demander "de trop", au juste? J'avoue que dans ma tête, entre le bisou sur la joue et la relation sexuelle non protégée, la réponse n'était pas clairement définie.

Mais, dans le petit train électrique du centre commercial, alors que nous chantions en coeur ce périlleux refrain, Fille Aînée m'a complètement rassurée.

Fille Aînée -- Hein? Comment t'as dit, Maman?

Moi, d'une toute petite voix -- Euh... "Et s'il m'en demande trop, pas d'accord"?

Fille Aînée -- Mais noooon! C'est pas ça qu'elle dit! Elle dit "D'accord, pour la balade en bateau, d'accord, et s'il m'offre des gâteaux, d'accord, mais s'il en mange trop, paaaas d'accord!"

Vive les gâteaux! Et gardons les doigts croisés...

Wednesday, January 09, 2008

La sirène de l'autorité, ou la tentation de la vodka-orange en intraveineuse

Bébé -- Veux tatines.

Mère indigne -- Chérie, c'est l'assiette de Maman.

Bébé -- Patazer.

Mère indigne -- On partagera une autre fois, mon amour. Maman va manger son déjeuner tranquillement, va t'asseoir à ta place pour manger le tien. Regarde, Papa t'a préparé des gau--

Bébé -- WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne -- Gauffres! Papa a fait des gauffres!

Bébé -- ...AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne -- Ça va! D'accord ma chérie. Viens t'asseoir sur Maman. Mais s'il-te-plaît, tais-toi.

Bébé -- ...AAAaa. Dézeuner pas à Maman. À ma.

***

Bébé -- Veux tousser.

Mère indigne -- Non, non, non. Ça, c'est les seins-seins de Maman. On ne touche pas.

Bébé -- Patazer.

Mère indigne -- Mais non, voyons. C'est les parties privées. On ne touche pas aux parties privées si l'autre personne ne veut pas. Surtout si on se sert de nos doigts comme des pinces coup--

Bébé -- WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne -- D'accord! D'accord. Juste-trois-secondes-après-faut-s'habiller.

Bébé -- ...AAAaa. Rhi hi hiiii!

Mère indigne -- Ouch.

***

Bébé -- Veux cuyottes.

Mère indigne -- C'est les culottes de Grande Soeur. Elles sont trop grandes pour--

Bébé -- WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne, la tête entre les mains -- Non! Non, chérie. Arrête, s'il-te-plaît. Arrête.

Bébé -- ...AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne, plongeant les mains dans le tiroir de Fille Aînée -- Tu veux les culottes de ta soeur? Tiens. En voilà sept paires.

Bébé -- ...AAaa. Pas les cuyottes à Gande Seuh. Les cuyottes à ma. Pas tô gandes.

Mère indigne -- ... Ah, ben oui. Si tu te les mets sur la tête, ça va.


***

Bébé -- Veux bôbôs.

Mère indigne -- Non. Ça, alors, non. Pas de bonbons. C'est dé-fi-ni-tif. Les bonbons,c'est pas bon pour les dents des béb--

Bébé -- WA...

Splat! (Ça, c'est Mère indigne qui a jeté une (grosse) poignée de M&M sur la table. On peut considérer qu'à ce moment précis dans sa vie de mère, elle vient d'abdiquer. Du latin "abdicare", renier. Son autorité, ses principes, tout le kit. Rien à foutre, du moment qu'elle arrête ses hurlements.)

Bébé -- ...Aa. Dé bôbôôôôs. Ci bô. Ci sikké.

Mère indigne -- Oui, c'est sucré. Il va falloir bien brosser tes dents tout à l'h--

Bébé -- NAAOOOOON! Pas bôsser les dents! W--

Mère indigne -- C'est une blague! Ahahahaha. Une blague. Tu vas avoir plein de caries, mais on s'en fout. On. S'en. Fout. C'est beau les caries, dans le fond. C'est la nature. C'est beau. Ahahaha... Et tiens, Maman aussi va se prendre un bonbon! Un bonbon qui se boit... Mais où est donc cette fichue bouteille de vodka?

***

Père indigne -- Où sont mes bonbons?

Fille Aînée -- Où sont mes culottes?

Mère indigne -- Ahahahahah... glou glou...

Thursday, January 03, 2008

Toupie et Binou au pays du jambon magique

Ça se passe il y a trois semaines. La famille Indigne est en visite chez des copains.

Bébé (deux ans et demi), est dans le bain avec Mathis (un an et demi, le fils des copains en question):

Bébé est obnubilée par les parties intéressantes de son compagnon de bain: "Mathis, il a un zizi-pénis."

Mère indigne -- Oui chérie. C'est ça. Un zizi-pénis. Il a aussi un joli petit nez, regarde!

Bébé -- Mathis, il a un zizi-pénis.

Mère indigne -- Oui mon amour. C'est ça. Et aussi de beaux yeux bleus...

Bébé -- MaTHIS, il a un zizi-péNIS!

Mère indigne -- Oui mon poussin. Ça rime. Mais tu sais, Mathis, ça rime aussi avec, euh... lys?

Bébé, s'approchant de plus en plus de l'empire du milieu de Mathis -- Mathis, il a un zizi-pénis! Mathis, il a un zizi-pénis! MATHIS, IL A UN ZIZI-PÉNIS!

Puis, Bébé se tourne vers Mère indigne, lui lance un regard d'une tristesse abyssale et ajoute: "Mais on peut pas le manzer."

***

Deux semaines plus tard, Mathis est en visite à la maison. Bébé observe avec intérêt le moment du changement de couche. Elle a elle-même traîné une chaise près de la table à langer, pour mieux espionner.

Bébé -- Mathis, il a un zizi-pénis.

Mère indigne -- Ah ben oui, il est encore là, celui-là. Et, oh!, son nombril aussi, regarde!

Bébé -- Mathis, il a un zizi-pénis. Mathis, il a un zizi-pénis. Mathisilaunzizipénismathisilaunzizipénismathisilaunzizipénis
mathisilaunzizipénismathisilaunzizipénis... Mais on peut pas le manzer.

Le regret se lit, profond, dans ses yeux empreints d'une infinie tristesse.

***

Hier midi, dans un élan anti-gastronomique presque inégalé, Mère indigne offre à Bébé, en guise de lunch, deux tranches de jambon roulées accompagnées de quelque chose de plus ou moins vert (mais ce n'est pas de la dinde).

Bébé saisit la roulade de jambon entre ses petits doigts, l'examine de très près, la secoue. Puis, ses yeux s'illuminent. Au cri de "ZIZI-PÉNIS!", elle croque joyeusement dans la viande.

***

Les réactions:

Mère indigne: "Ahahahahahahaha! ... Mon Dieu. Dire qu'elle aura quinze ans un jour."

Copine maman: "Tu lui laisses manger du jambon, à deux ans?? C'est plein de nitrites ou quelque chose du genre, voyons!"

Mamie indigne: "Bon. Dis-moi pas qu'elle va être encore plus précoce que sa mère."

Père indigne: "Tu les as lus, toi, ses nouveaux livres de Toupie et Binou? Qu'est-ce qu'il y a, dans les livres de Toupie et Binou? C'est louche. C'est LOUCHE. Donne-moi ses livres de Toupie et Binou. Tu vois? Les couleurs sont un peu psychédéliques. Ça doit être plein de COCHONNERIES, Toupie et Binou."

Mère indigne: "Non. Pas quinze ans un jour. Non. Pas quinze ans un jour. Non. Pas quinze... (etc., etc., etc.)"