Monday, September 29, 2008

Rapports préliminaires

Copine de longue date -- Dis donc, ça fait combien de temps que tu es mariée, déjà?

Mère indigne -- Dix ans depuis une semaine. Dans la joie et l'allégresse.

Copine -- Bon. J'imagine que tu vas pouvoir répondre à une question délicate.

Mère indigne -- Tu sais que je suis la délicatesse incarnée. Envoye, shoote!

Copine -- OK, je me lance... (Copine prend une grande respiration.) Es-tu pour ou contre ça, toi, les préliminaires?

Mère indigne -- Les rapports préliminaires? Moi, j'haïs ça. Je me dis que tant qu'à écrire un rapport, aussi bien faire le rapport final tout de suite.

Copine -- T'es nulle. Je parle des rapports sexuels préliminaires.

Mère indigne -- Aaaaaah. Ben là, tu rentres pas mal dans mon jardin secret.

Copine -- Comme si ça t'avait déjà dérangé.

Mère indigne -- D'accooooord, on peut en parler, mais c'est bien parce que c'est toi. Les préliminaires... Pouf, pouf. Bon. Ces temps-ci, par exemple, y'a Bébé qui...

Copine -- Change pas de sujet!

Mère indigne -- Non, non! Je veux dire que Bébé, à la garderie, elle a vu un spectacle de Dan Cowboy, et ensuite elle a passé deux semaines à appeler Père indigne "Dan Cowboy". Puis elle a suivi des ateliers de prévention des incendies avec le pompier François. Maintenant, quand elle revient à la maison, elle appelle Père indigne "Pompier François". À force de l'entendre, j'ai décidé d'essayer ça moi aussi. On s'est bien amusés. J'ai écrit à Sacha Distel pour lui dire qu'on avait retrouvé les tuyaux. Dans l'écurie.

Copine -- Sacha Distel est mort. Et les pompiers pis les cowboys, c'est des jeux de rôle, pas des préliminaires.

Mère indigne -- Pffff. Franchement, si le résultat est le même, je ne vois pas pourquoi on s'enfargerait dans les fleurs du drap-contour.

Copine -- En tout cas, moi, après sept ans et deux enfants, les préliminaires, ça me branche moins. Tu sais, au début, quand j'étais dans une humeur séductrice et que Copain me disait "Trouve des arguments pour me convaincre", j'étais en forme. Je pouvais aller mettre des sous-vêtements sexy...

Mère indigne -- ... Faire un strip-tease...

Copine -- ...Sortir la crème fouettée...

Mère indigne -- ...Le fouet...

Copine -- C'est un jeu de rôle, ça, Seigneur. Essaye de te concentrer un peu.

Mère indigne -- Le fouet est un jeu de rôle, le fouet est un jeu de rôle, le f--

Copine -- Ça va, ça va... En tout cas, tout ce que je veux dire, c'est que maintenant, avec toute la routine des enfants avant le dodo, les tâches ménagères, les sandwichs du lendemain à préparer... ben, les préliminaires, ça fait un peu perte de temps.

Mère indigne -- Tu es plus du genre "Prends-moi comme une bête, que j'aille préparer les lunchs ensuite".

Copine -- Ouain. En fait, l'autre soir, je pense que j'ai atteint les bas-fonds de la séduction. S'il y avait une police du sexe, j'aurais eu un ticket et au moins trois points de démérite.

Mère indigne -- Mon Dieu. Qu'est-ce que tu as fait?

Copine -- Ben, j'étais dans une sorte d'humeur séductrice, alors Copain m'a dit "As-tu des arguments pour me convaincre?"...

Mère indigne, haletante -- Et...

Copine -- Et je venais de prendre ma douche. Alors j'ai dit: "Je suis propre."

Mère indigne -- ...

Copine -- ...

Mère indigne -- Ton argument de séduction, c'était que tu venais de te laver?

Copine -- ...C'est pathétique, hein?

Mère indigne -- Ça va être quoi, ton argument, dans quatre-cinq ans? "Je suis LÀ"?

Copine -- Tu ris, mais ça a fonctionné quand même.

Mère indigne -- Tu devrais faire de la politique. "Des parties propres au Québec."

Copine -- Bon. Ça y est. Je pense que je vais nous réserver une fin de semaine dans une auberge, sans enfants. Pour renouer avec les préliminaires et m'éviter tes blagues à l'avenir.

Mère indigne -- Ça, c'est des promesses électorales comme on les aime.

Wednesday, September 24, 2008

Bébé: la quintessence

Allez, une fois n'est pas coutune: une photo. Semble-t-il que parfois, ça vaut mille mots, alors...

Oui, oui. C'est vraiment eux, là. Fille Aînée, Père indigne et... Bébé.

Bébé, complètement dégoûtée.

Le hic, c'est qu'on n'a jamais su par quoi exactement. Probablement le spleen de cette vie terne et sans goût dans laquelle elle erre comme une éternelle étrangère.

Je sais pas pour vous, mais moi, ça me donne le fou rire chaque fois.




Sunday, September 14, 2008

De mal en pis pour Fille Aînée

Je sais, je sais.

Ce n'est pas qu'elle manque d'imagination.

C'est la faute aux devoirs stupides, à Sébastian, à la société. En fait, Fille Aînée est un modèle d'adaptation à des conditions de vie hostiles. C'est pas compliqué, s'il avait pu, Charles Darwin l'aurait mise en couverture de son bouquin, là, celui qui dit que l'homme descend du singe et que le gin tonic descend de l'eau pure des rivières nordiques.

Mais, parfois, je me demande tout de même s'il n'y a pas des limites à l'adaptation.

Mère indigne, arrivant toute pimpante à l'école, très tôt pour passer du temps de qualité avec ses enfants -- Salut Chérie! C'est moi! Je viens te chercher tôt aujourd'hui, n'est-ce pas merveilleux?

Fille Aînée, la panique dans le regard -- Tu... euh... tu pourrais pas aller chercher Bébé et revenir me prendre après?

Mère indigne -- Mais Bébé est avec moi, tiens, regarde, elle est en train de foutre le bordel dans les registres du service de garde.

Bébé, tentant de subtiliser des cartables pleins d'infos confidentielles -- Moi z'a le DROIT!

Fille Aînée, la lèvre tremblotante -- C'est parce que... mes amis viennent juste de sortir dehors... et j'ai pas eu le temps de...

Mère indigne, légèrement agacée -- Écoute, mon amour, Maman est venue te chercher très tôt pour qu'on puisse passer du temps de qualité ensemble. Alors ramasse tes affaires et en route. Avant que l'école refuse le droit d'entrée à ta soeur.

Bébé, tentant de subtiliser la jupe de Madame Karine, responsable de l'accueil -- Moi z'a BEZOIN!

C'est alors que Fille Aînée fond en larmes. Et pas seulement des larmes, la pauvre. Les gros sanglots qui viennent avec. Le désespoir, la tragédie. Le gros bobo intérieur.

Dans ma tête se met en branle le cirque millénaire des inquiétudes maternelles. "Ça y est. Elle a un amoureux. Elle qui n'a presque pas parlé des garçons l'an dernier, ça recommence. Il l'attend dans la cour de récré, là, là. Petit imbécile pré-pubère. Qu'est-ce qu'il a que je n'ai pas?"

Mère indigne -- Mais mon pauvre petit amour! Qu'est-ce qui se passe? Ne pleure pas comme ça, mon coeur, voyons!

Fille Aînée -- Bou-hou-HOUUUUUU!

Mère indigne -- Tu avais une activité, euh... spéciale... de prévue dans la cour de récré?

Fille Aînée -- Bou-hou-houuuuiiiiiii!

Je le savais. Dieu seul sait où ils en sont rendus avec la tag-bisou cette année.

Mère indigne -- Mais qu'est-ce qui est si important, ma belle fleur?

Fille Aînée -- Je voulais... je voulais... CRÉER UN COMITÉÉÉ! Bou-hou-houuuu!

Mère indigne -- Un comité.

Fille Aînée -- Snifffoui. Avec Julie-Aude.

Mère indigne -- Un comité de quoi?

Fille Aînée -- (Renifle.) On sait pas encore.

Mère indigne -- Bon. Je te laisse deux minutes. Tu vas dans la cour de récré dire à Julie-Aude que tu lui délègues la création officielle du comité ainsi que la distribution des tâches et le mandat de te faire élire présidente. Demain matin, dans le rang, elle te débriefe, et pour être sûre que tout est sous contrôle, tu demandes un rapport écrit de la réunion de la veille à faire circuler aux membres du comité pour approbation. Ensuite, tu continues de demander des rapports écrits aux deux semaines -- je vais t'acheter un tampon "Lu et approuvé". Et essayez de vous trouver un but précis en tant que comité, mais ce n'est pas absolument nécessaire.

Fille Aînée, se dirigeant vers ses copains en courant -- OK!

Tant qu'à s'adapter, aussi bien connaître tous les trucs.

Monday, September 08, 2008

Devoir de réserve

Fille Aînée -- Maman, qu'est-ce qu'ils veulent que je fasse pour ce devoir-là? Ils disent: "Voici l'histoire de Sébastian. Elle est incomplète. Ajoute au moins deux détails supplémentaires." J'comprends pas.

Moi -- Mais voyons, il faut que tu donnes deux informations de plus pour compléter l'histoire de Sébastian.

Fille Aînée -- Ben, c'est son histoire! C'est pas la mienne! Je ne connais pas Sébastian, moi, comment ils veulent que je donne des détails?

Moi -- Il faut que tu inventes, pardi! Laisse-toi porter par ta folie intérieure! Fais courir tes pensées dans les prés verts et tendres de l'imagination!

Fille Aînée -- Ah ouais, d'accord.

Plus tard...

Fille Aînée -- Ça va, comme ça?

L'histoire dans le livre commençait par: "Je m'appelle Sébastian. J'ai neuf ans et je mesure 1m30. J'habite au Chili."

Détails ajoutés par Fille Aînée: 1. "J'ai les yeux bruns." 2. "J'ai les cheveux bruns."

En voilà une qui ne me fera pas de concurrence.

Saturday, September 06, 2008

Listes d'attentes

(Oui, oui, je sais, tant de billets en si peu de jours, vous en avez le tournis. Mais ces temps-ci, je ressens comme une frénésie d'écriture du type "moi l'a bezoin", et je n'ai jamais trop été du genre "self-contrôle". Dire que bientôt, je vais devoir faire de la rétention de blogue en vue de pouvoir mettre des inédits dans le tome II. Ça va être dur. Alors en attendant, prenez votre médicament favori contre le mal de mer et lisez!)

***

Telle Rate-des-Champs en visite chez sa copine glamour, Mère indigne sirote un Cosmo dans un bar du centre-ville avec son amie de toujours, Emmanuelle l’Antivierge. (Afin de respecter la pudibonderie et le puritanisme de bon goût qui animent ce blogue en permanence, nous appellerons cette dernière Emmanuelle tout court.)

Mère indigne, pressée d’en arriver au fait – Et sinon, les amours, ça va?

Emmanuelle – Ben, depuis que Pluton est parti

Mère indigne – Ah, oui, Pluton! Ton cinquième amant, si je ne m’abuse? Celui qui a lâchement abandonné votre relation non officielle et chaotique parce que, le traître, il a trouvé ailleurs le véritable amour?

Emmanuelle, manifestement toujours agacée – Hmffoui. Lui. Enfin, bref, depuis qu’il est parti, j’essaie de gérer la diversité comme je peux.

Mère indigne – Attends, attends, je ne comprends pas. T’as moins d’amants. En quoi est-ce que c’est plus difficile à gérer?

Emmanuelle – Eh bien, tu comprends, avec cinq amants, c’était parfait. Un par semaine, donc pas tout à fait une fois par mois chacun. Ça gardait une distance convenable, ça évitait un engagement trop lourd. Mais maintenant, avec quatre…

Mère indigne – … C’est chacun une fois par mois.

Emmanuelle – Voilà. Et "une fois par mois", ça fait moins occasionnel. Ça sonne plus… régulier, tu vois. Ça leur donne des idées romantiques, des ambitions.

Mère indigne – L’espoir horripilant d’une relation normale.

Emmanuelle, hochant la tête – C’est dur.

Mère indigne – Je vois… Euh, je dis ça comme ça, sans être experte en maths ni rien, mais… tu pourrais t’abstenir une semaine? Comme ça, abracadabra! Psychologiquement, ils en sont au même point qu’avant. Moins de stabilité, moins d’ambitions, moins de ce romantisme poisseux qui rendrait n’importe qui complètement dingue.

Emmanuelle – C’est très facile d’être sarcastique quand on ne vit pas soi-même ce genre de casse-tête. Et pour ta gouverne, oui, arrêter une semaine, j’y ai songé. Mais ça va être difficile. Mon work-out du jeudi soir…

Mère indigne – Quel drame. Mais l’autre solution, ce serait le remplacement. Pas d’autres météores à l’horizon?

Emmanuelle – Ben, c’est à dire que…

Mère indigne – Ah, ah…

Emmanuelle – Il y aurait bien un intéressé, mais le problème, c’est moi. Je ne suis pas certaine de l’être.

Mère indigne – Mon Dieu, qu’est-ce qu’il a? C’est un cul-de-jatte à deux têtes qui a mauvaise haleine? T’es pas si regardante, d’habitude.

Emmanuelle, levant les yeux au ciel – Nooon. C’est un ami, il est marié…

Mère indigne – Et…?

Emmanuelle – Et, et! Je ne sais pas, moi, je vieillis! Je commence à avoir des principes.

Mère indigne, avalant sa dernière gorgée de Cosmo – C’est drôle, moi, plus je vieillis et moins j’en ai.

Emmanuelle – En tout cas, pour le moment, ça ne m’intéresse pas vraiment. Mais je ne sais pas comment lui dire.

Mère indigne – T’es trop habituée à dire oui à tout. Une vraie Mère Térésa de la séduction. Quand on a des enfants, ça aide au moins pour ça. On apprend à dire non rapidement.

Emmanuelle – Et efficacement?

Mère indigne – Euh… hum. Oui, bien sûr. Quoi qu’il en soit, si tu veux, j’ai une réplique taillée sur mesure pour cette situation.

Emmanuelle – Tu me fais peur.

Mère indigne – Non, non, écoute, elle est excellente. "Je suis désolée, Rodrigue, mais comme il y a plusieurs intéressés, tu vas devoir t’inscrire sur ma liste d’attente. Et j’ai bien peur que ce soit comme dans les garderies : le temps que ton tour arrive, tu vas être trop vieux pour ce que je vais avoir à te proposer."

Emmanuelle – …

Mère indigne – Pis? C’est bon, hein?

Emmanuelle – C’est sûr que faire une métaphore de garderie à un fringuant soupirant, ça risque déjà de le refroidir.

Mère indigne – Voiiiilà. Y’a rien comme les conseils d’une maman pour nous guider dans la vie. Et parlant de ça, guide donc ta main vers ton portefeuille : tu me dois un drink.

Friday, September 05, 2008

Fille Aînée, ou le côté obscur de la candeur

(Une pas-fiction pas-cathartique.)

***

Ça se passe dans la voiture, au retour d'une sortie de famille. Mère indigne est au volant et Père indigne s'efforce de subvenir aux besoins de la progéniture, ce qui implique parfois de répondre aux questions existentielles qui pourraient surgir -- et qui, oh! surgissent!

Fille Aînée, très Doris Day -- Je me demande de quoi j'aurai l'air en sixième année.

(Dans deux ans. Aussi bien dire dans deux siècles.)

Père indigne, prenant son rôle de guide spirituel très au sérieux -- Dans deux ans, je suis certain que tu seras encore plus belle, plus intelligente, et meilleure musicienne que maintenant.

Fille Aînée, dubitative -- Qu'est-ce qui te fait dire que je serais plus belle?

Père indigne -- Je le sais, c'est tout.

Mère indigne, montrant pourquoi il ne faut pas répondre à des questions existentielles quand on est au volant, où peut-être quand on est Mère indigne tout court -- Ben, minute. Imagine qu'on se fasse défigurer dans un accident de voiture. Fille Aînée ne sera pas plus belle, ni en sixième année, ni après.

(Ah, là là, les amis! Le visage de Père indigne quand j'ai dit ça. Impayable. "Elle est folle. Et c'est ma femme. La mère de mes enfants. Nous sommes maudits jusqu'à la quinzième génération." Juste pour ça, ça en valait la peine. )

Fille Aînée -- Hein??

Père indigne, se tournant vers la folle qu'il a eu le malheur d'épouser -- Franchement, quelle idée de dire ça? C'est vraiment pas très respon-

Fille Aînée -- Non, je voulais dire "Hein, papa?" C'est vrai ce que maman a dit!

Mère indigne, qui fait de plus en plus de trucs dangereux au volant -- Tope-là chérie!

Clap!

Fille Aînée, sur sa lancée -- En plus, si je me fais arracher le bras dans l'accident, je ne serai pas meilleure musicienne.

Mère indigne -- That's ze spirit! (Clap!)

Père indigne, excédé -- Et puis si tu te fais lobotomiser, tu ne seras pas plus intelligente, c'est ça?

Fille Aînée et Mère indigne -- C'est ça! T'as tout compris! (Clap!)

Bébé -- B'avo Papaaaaa!

Les filles -- Ahahahahahahah! (Clap! Clap!)

Bref, on s'est rendus à la maison sans se faire défigurer ni démembrer, et en ayant encore renforcé cette belle complicité mère-fille qu'il sera d'autant plus amusant de démolir à l'adolescence.

Quant à Père indigne, il s'est remis du camouflet infligé par le G.O. (gang des oestrogènes). Et vous, bande de baroudeurs au grand coeur, vous voilà aussi rassurés quant aux longues années remplies d'humour noir qui attendent cette soi-disant ingénue de Fille Aînée.

À moins, bien sûr, que la planète pète dans six mois. Mais moi, j'dis ça, j'dis rien.